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SON ALTESSE ROYALE
MONSEIGNEUR LE. DUC
DE CHARTRES.
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ONSEIGNEUR,
Si Ventreprife nmovt pas été cai-iejfm de mes for ces , au Ueu de VArt de Parler. , j'aurois offert ^
a iij
vj EPISTRE. VOTRE ALTESSE B. O Y A L E celui de faire des aéiions dignes de fon rang, Mcàs Elle peut voir Elle-même, dans la perfonne du Prince incomparable qui lui a donné lanaiffhmce , une image des vertus hérdiques défis illuJlresAyeux, & en même-temps les grands exemples qu'Elk doit fiiivre. Le feul fouvenir de lafa- meufejournée du Mont-Caffèl, lui repréjentera ce que la prudence €^ la valeur peuvent faire 3 ^ ceqi^el-^ le doit faire lorfquEllefera unjour à la tête des armées du Roi.
Il efl donc plus â propos ,
'MONSEIGNEUR, que
'je meçbnteiite £ offrir àPVf RE
ALTESSE kOYAlE, VArt
de parler f àpréfent quÉlle s^applir
EPISTRE. vî)
qtit a V étude des Belles-Lettres» Je traite cet Art, d'une manière parti* cvliere; & ceux, qui voudront bien jetter les yeuxjur mon Ouvrage , reconnoîtront que k dejjèin que j ai pris peut être utilepour former VeJ^ prit 3 Ç/ faire prendre l'habitude de juger des chofespar des principes clairs. &folides.
Ce n'ejlpas un grand mal de prendre , dans la Profe ou dans les Vers , pour une véritable beauté , ce qui n*efi qu'un faux brillant y mais y MONSEIGNEUR .il n'y a rien déplus important à un Prin- ce, que de s'accoutumer de bon-^ ne heure â juger des chofespar des principes foUdes. Je n'avance rien dontjene rechercheles caufes,dont je ne tâche de rendre raifon, Peut-^
« iiij
fixj EPrSTKE. être que mes réflexions paroîtront trop élevées pour ceux qi^on infi truit dans lesQ>lléges;mahjMon- feignem , VOTRE ALTESSE ROYALE ejl iatffi. iifimguée dt ceux defon âge, parf&njugement & par fa vivacité, quepœrjanaif- fonce } et que je ne dis pas pour la louer. Je fais qu' elle naitûè pas ks louanges , ô* -qiieUe ejlperfuadéô qu'un Prince les doitmériterymais qu'il en doit faire peu dtcas, puïf-* qnelaplûpart de ceux quilelouem^ quand ilfaitbien,feroientfouyent prêts à lui donner les mêmeslouan- ges silfaifoit mal. Mais qu'il nous foit au moins permis d'admirer dans V, A, K. ces belles inclina- tions qui nous fonz.conjcevoir défi .^grandes efpéranc'ès. Il mefembk^
'^k dans un agréahU Printemps
des arbres couverts ie fleurs. On ne
'feutVunimiiginef de plus beai/,
-Ces fleurs néanmoins ne font pas
'■encore les fruits <pâ^n attend. U
-y' a bii^n^ dès accidens à craindre,.
■ ' M&jîfiigneur~J^.A-,R.a€Uiate
^éducation trop- ckrétiehne , poih
■ne pas f avoir que fi fà condition
'l'élevé , elle l'expqfe à de grands
-dangèts. Les Mgatiàns des
-Grarukfont grandes. Dieu napas
fait le refle des hommes pour fervïr
à leur grandeur. Ils nefe doivent
régarder que comme de grands inf
trumensdont il fefert pour faire de
grandes chofes. Ses deffèins fur
eux font admirables jpuifque pour
fanàïfier tout un Royaume, en
* bannir les duels, l'héfjjie/injuftt'
j^fincç^qui ait, de, ul, piété. ' > .V,
f[oiis le yoy£:( de prèf $ Mofff^ gjieur/cePrmeeji &p,oi^peû d'Af^ tentioM queV, A. R,f<i^fur,fis: fropres lun^mes y elle i^jm.Mlf- même tomes ksvérixés^j^i.^doit^ tormmtre, C-eJl-lâ fonjpjmci^)^^ devoir-, d'écouter Dieu quil^inf- truit intérieurementyr Tmt ùrç\ V(t . V rince hor^delui-piêfnejle&affair resy les iiveniffkmmsi (:ep,end^^ ce n'ejl que dans- le fond du eoeur que s entend la vérité^^Leshûmmes: l'ignorent, ou Us^la cachent i iE faut P écouter eUe-tnême i ^fifidi- re à fin langage , qu'on ampreihi. plus facilement X lorf qu'on a pris: l'hahitude delaconfiàter dans Us mçmdm çhofes» Çefi à quoipovi^
EPISTRE. xj
rafervir le petit Ouvrage que j'of- fre à V, A. R, J'efpere quelle vou- dra hkn senfervir , & quElle le recevra comme une marque de mon T^ele , & du profond refpeH avec lequeljefiùs,
MONSEIGNEUR:
éE VOTRE ALTESSE ROYALE^
Lettcs humUe & k très ob^îAânC Serviteur , L a m Y , Pr&ifc die l'Oiatoire.
PREFACE.
X-^E mot de Rhérliorique n'a point d'au- tre idée dans la Langue Grecque d'où il ëft emprunré>finon que c'eft TArt de dire ou de parler. Il n'eft pas nécedaire d'ajout ter que c'eft VAre de bitn parler pour ptrfua-- dtr. Il eft vrai que nous ne parlons que pour faire entrer dans nos fentimens ceux qui nous écoutent ; mais puifqu'il ne faut point d'Art four mal faire / & que c'eft toujours pouf alter à fes fins qu'on l'emploie, le mot d'Art dit fuffifamment tout Ce qu'on voudroit dire de plus.
Rien de fi impittant que de favoir per- fuader. C'eft de quoi il s'agit dans le com- merce du monde : aufii rien de plus utile que-Ja Rhétorique ; & c!eft luialonner^des bonnes trop étroites que de la renfermer daiis le Barreau & dans Vt% Chaires de nos Eglifes. J'âvoue qu'elle éclate en ces lieux. C'eft le plaifir d'entretenir un grand Audi- toire dont on eft admiré, qui fait qu'on l'érudiciSc qu'on recherche avec empref* îement les Livres qui l'enfîJîgnent* On fe dégoûte bientôt de ces. Livres , quand ^n recoijipoît que pour Tes avoir lus j on
paèfacé: \\»
ti'eft pas devenu plus éloquent s ^'èft vt préoccuper msil-à-propos que de s'imagi* Der qu après avoir compris les Règles de la Rhécorique ,on doit erre un parfait Orah *teur , comme s'il fuffifoit de lire un Livrje de Peinture pour être un excellent Peintre. Une Rhécorique peut être bien faice^ faili u on en retire du fruit , loriqu*à la leâum e feiprcceptes on ne joint point celle des Orateurs , & l'exertice. Néanmoins on ne peut diffimuler que de la manière don^t oh traite la Rhétorique , elle eft prefque inu- tile \ cai: outre qu'on n'y rend point de rai- <fon de ce que l'on enfeigne, il iemble ^'el- le ne foir faite que pour ceux qui fiarleiic ^ans un Barreau , i qui même^llefiàrtpeu, ■n ouvrant leur efprit que pour rrouver 'dés chofes triviales, qu'ils iuroiéflfj^u îgnoref ^ ^ qu'il faudroit taire , comme ^ous le re- marquons en expliquant fommkirement lés «Lieux Communs , qui (lut la ptus graihde ^partie des Livres de Rljétôri^e. * '** Quoi qu'il en foit de ces t i vres> l*Art ék parler efttrès utile , & d'un ufage fort éten- du. Il renferme tout ce qu'on appelle eh François, BelUs-Lettrcs;;tnLmn & enGxec, Philologie; ce mot Grec fîgnifie Vamour des mots. Savoir les Belles-Lettres , c'eft fa- voir parler , écrire, ou juger de ceux qui activent. Or > cela eft fort éieadu > car i^lii£>
«y TR Ê PJ C £.
toire Q'eft belle & ^réable que lorfqu'elle eft bien écrite. Il n'y a point de Livre qjLi'on ne lifeayec pUidr quand le ftyleen .eft beau; Dans la Philofophie même , quet> que auftere qu elle foie » on y veut de la ço^ licefTe. Ce n'eft pas fans raiibn ; car y comr me je crois 1 avoir dit ailleurs , Téloquence. eft dans les fcience» ce que le Soleil eft dan$ U tponde. Les fciences^ ne font que; ténef httes , fi.ceux qui les traitent ne f^vent pa^ écrjire. , \
. L'Art de parler s'étend ainfi à toutes cho* . fes. Il efi utite aux Philofophes > aux Ma- ..thématipien^* La Théologie en a befoin» .puîijrqii*eile..np peut expliquer les vérités .fpiri^ùellê$\,. qui font fon objet , qu'en le$ .tçyec^f^t. ^e. paroles fenGbles. Certaine- ment nous- aurions un plus grand nombre . de bons Ecrivains, G on avoir découvert les véritables fondemens de cet Art.
Ce qui eft d'Une grande confidération 9 c'Ieft (jue l'Art de parler > traité comme il .le dûit être ^ peut donner 4e grandes ou* . verttires pour l'étude de ^outesles langues, pour les parler puremeqt &c pciliment > pour eh découvrir le génie & la beauté. ;Car quand on a bien conçu ce qu'il faut faire pour exprimée fes penfées, & les dif^ /érensmayensque la nature donne pour le fw:e ^ oa j| imé coonoUTance générale de
T m fÀ CE. n
l^tôs les Langues , qu'il cft facile d'appliH queré» parricuiier a celle qu'on voudra apptend(è«Çèlâfe verraéTidemmcm dan» la ieâiai^' àt FOunage que je dorme an^
-Pablîc ; àétk voici hé plan..
^'explique d'abord commenr fe former la parole ; & pour apprendre de ta natute
: même là ttrânieré dbnif tes pàtbTés peuvent exprimer nbu 'petiféés* iè \éi mouvemetts
"•de notre *wic>itité*-> je nie prppbfe des^ ïit)ni* mesqui-Yièlrtneftf nÔàvçUetfieèi: de naîtte dan^i^ nouvfeàtt'iWoHdï', fany contioître Tufage de la parole. Tctudie ce qu*il$ fè- loienr , &}e montre qu'ils s'appercevroient •bientôt dc'râvântage de fâj)àrolei, &
' qu'ils fe-feroiém un hngage^Jè recherdHe
•quelle forme ils lui doriHeroienr ^ âfc' par cette recherché , je découvre le fohdemeric de toutes les Langues^, & jé rends ràifon de foutes tes reglesqu'ont prefcrîtes les Gram- mairiens. Cette recherche paroîtroic^ett: confidéïable , JËl Von n'appercevoit pas, qu'elle eft utite pour apprendre Fes tait-
Eues avec plus de feeilîte , & pour juger ée^ îur beauté. C'eft pourquoi je n'appréhèfr- de pas ^ ceux qui aiment qu'on trai» les chofes folidement , foient rebutés de voir qu'on parle dans le premier Livre , "dct -noMQsfubftantifs, de verbes, de déclinai- ^ & 4ç ÇWS^iJfens,. il n'y a que cçux
^ qui s'imaginem qu« l'Art dt^.parlef ne ddk
traiter que^esomemens de Téloquence^qui
, paillent condamner la méxkçdc que je fms.
^ Il ne faut pas commencer âbâ|ir u^e n^airon '
par le faite. Quintilien , le, preo^ier Maître
. de Rhétorique y(t i • <:. 4. ) dit qu'il en eft
de ces chofes comme des fondëçiens d'un
. £di6ce, qui n'en font pas la p^^ùeh moins
^n^celTaire^ quoiqu'ils ne ps^p^flent point»
Après que. ces nouveâki^ j^Mt|.mef 00c
.joue ïeur perfonjç^agc., ie-dcci^^ quelle :a
] été la véritable origine des J^angues-* J« fais
. même >^ d^ns la fuite de mon Ouvrage > un
.aveu qui j^mble êtr« une contradiâion à
.ce que j[ç dis de, ces hommes i car je Je-
.meure d'accord de ce qu'un Auteur habile
• vient de foutenir, que fi Dieu n*avoit ap-
. pris, aux premiers hommes à articuler les
. jfons de leurs voix » ils n'auroienr jamais pu
. former des paroles diftinâes. Mais on fait
.quft les Géomètres fuppofent des chofes
^qia neibnt point , & que cependant ils en
^ cirent des conféquences fort utiles. Dans
4a AippoCtion que je>faifois donc que cts
.hommes eufient fii articuler » c'eft-à-dire ,
, prononcer ies différentes lettres de l'alpha-
Detj. queftion que je n'examinois point
alors , j'ai pu conÎTiiérer quelle forme ils
auroiem donnée â l^urs paroles, pour xhat:*
jiuet leurs diâerentespenfées...
PREFACE. xvî^
Il eft confiant , & je le prouve » que ce n efl: point le ha&rd qui a fait trouver aux liommes Tufage de la parole. Je fais voir néanmoins que le langage dépend de leur volonté, & que Tuf^e^ou le confentement comniun desbommes,exerce un empire ab* folu fur les mots : c eft pourquoi après que j'ai montré quelles font les lois que la rai<*> Ion prefciit , je donne des règles pour connaître quelles font les loix de l'ulage , & ce qu il faut faire pour diftinguer ce que •L'ufage autorife effeâivement.
Je fais remarquer, dans le fécond Livre* ^ue les Langues les plus fécondes ne peu- -venc fournir tous les termes propres pour exprimer nos idées, & qn'ainh il faut avok recours à l'artifice y empruntant les termes des chofes'à peu près (emblables , ou qui ont quelque liaifon & quelque rappoPt avec la chofe que nous voulons figniner , & pour laquelle l'ufage ordinaire* ne don- ne point de noms qui lui foient propres* Ces expreffions empruntées fe nomment Tropts. Je parle de toutes les efpeces de Tropes qui font les plus coniGdérables , & ^ de leur ufage.
Le corps eft fait de maniéré que natUL
.tellement il prend des poftures propres à
fuir ce qui lui peut nuire , & qull le dif*
^ofe avantageufemenc pour i:ecevoit (^
tvii) P R E F A CE. qui lui fait du bien. Je remarque dan^ ce même Livre que la nature nous porte pa« reillemenr à prendre de certains tours en parlant , capables de produire dans Tefpric de ceux à qui nous parlons , les affets que nous fouhaitons , foit que nous voulions les enflammer de colère , ou les calmer. Ces tours fe nomment Figures. Je traite de ces Figures avec foin » ne me contentant pas de propofer leurs noms avec quelques cxemples,comme on le fait ordinairement: }e fais connoîtrela nature de chaque Figu- xe , & l'ufage qu'on. en doit foire.
J*entre dans un grand détail dans le troi^ fieme Livre; J'explique encore avec plus de foin , que je n ai fait dans le premier Livre , comme fe forme la parole & le fon de chaque lettre. Ce n'eft pas que je croie que fans cette connoiflance on ne puif- fe parler. On apprend la Langue de fon Païs fans Maître , & il eft plus facile d'en prononcer les termes , que de concevoir comment fe fait cette prononciation. Ce-
f>endant les réflexions que je fais font uti- es & néceflaires pour avoir une connoif- fance parfaite de l'Art de parler. Je confl- dere donc dans ce Livre la parole en tant
3u*elle eft fon. Je traite de Varrangement^ es mots qui eft néceflaire , afin qu ils fe l^rgagnceni; facikment< Je parie des P^
T R ET A C E, xvt
Hodes : j'explique l'An Poétique ; c*eft-i- dire , Tare de lier le difcours à de cerrai* nés mefures iqui le rendent harmonieux. Il n'y a rien dans cette matière » dont je ne fafle voir les caufes avec ailèz d'évidence ; ce que je n'aurois pu faire fi je n'étois entré dans un détail qu'on jugera utile lorfqu'on appercevra combien il peut don^ net d'ouvertures pour TArt de patler. La douceur de la prononciation efl la caufe de ce grand nombre d'irrégularités qu'on voie dans toutes les Langues. Je le fais voir > & je découvre en même-tems comment les diSërentes manières de prononcer , cor-* rompent une Langue 3 & font que d'une il ^'en fait plufieurs.
Le quatrième Livre traite des ftyles oti manières de parler que chacun prend » fé- lon les inclinations & les difpofitions na- turelles qu il a- Je fais voir qu'il faut que la matière règle le fty le •, qu'on doit s'éle- ver ou s'abbaiffer félon qu elle eft relevée, -ou qu'elle eft bâiïc , '& que la qualité du difcours dsoit exprimer la qualité du fujet^ >J'examin8.quel doit être le ftyle des Ora- :«eurs*». des Pôècési-des'Hîftdriens , des -Philofophes: après quoi je' traite des or- nenten94^ & je montre que ceux qui font xmturels , folides , véritables , font une '4ttic^ciel'«bfesvanQQde$ règles ^ui ont écî^
jnc f R E F AT X.
^ropofées ; qa un difcoars eft orné loti* qu'il eft exadt,
La fin de la Rhéchorique, c eft de perfus- der, comme onl'^ die. L'expérience fak .connoîcre qu'il y a des manières d&dire les chofes > qui gagnent les cœurs- J'explique ces manières dans le dernier Livre ; & c'eft là que je rapporce en abrégé tout ce qui fait le gros des Rhétoriques ordinaires. On y traite , avec étendue , des chofes peu itor portantes. Je les pafle légèrement » & je m'arrête à d'autres plusnécelTaires» dont on • ne parle point. Je fais voie que l'Art de , periuader demande des connoiflànces par*- ^ticulieres qu'il faut apprendre des autres fciences. \Iais' quoique je reconnoîffe qu'on ne peut traiter cet Art à fond dans .une Rhétorique» cependant j'indique les Sources , & pi^ut-êcre^ueceque fendis, jfatisfera autant que bien de gros Volumes .qu'on a faits fur cette matière^
Quand cette nouvelle Rhétorique ne donneroit que des connoiflances fpécula* ^tives qui ne rendent pas éloquent celui qui Jes pollède ,• la leâûre n'en ferait pas inii- ,tiie. Car pour découvrir la nature de ceo .Art > [e fais plusieurs réflexions importan- .tes fur notre efprit , dont le dîlcours eft l'image ; lefquelles , pouvant contribuera c^us faire entrer dans la connoiflàsîc&deiae'
f RÈ F À C £ Kf
l|ue noas fommes , méritent que Ton y fafle attention. Outre cela , je fuis perfua-' dé qu'il n'y a point d'efprit curieux qui n^ foie bien aife de connoitre les raifons que ton rend de- toutes les règles que l'AnTle parler prescrit* Lorfque je parle de ce ^ui plaît dans le dtfcouts , je ne dis pas quec'eft un je ne fais quoi , qui n*a point dé nom*; je le nomme , & conduifant jufques à la fource de ce plaifir » je fais apperce^ Toir le principe des re^es que fuivent ceux qui font agréables.
Cet Ouvrage fera donc utile aux jeunes gens qu'il faut accoutumer à aimer la ve- nté , & à conflilter la raifon pour penfec & agir félon fa lumière. Les raifonnemens- que je fais ne font point abftraits. J'ai tâ- ché de conduire l'eiprit à la connoifTance^ de l'Art que j'enfeigne » par une fuite de raifonnemens faciles ; ce que les Maîtres ne font pas avec aflèz de foiti. L'on fe plaint tous les jours qu'ils ne travaillent point à rendre jufte l'efprit de leurs Dif- ciples ; ils les inftruifent comme l'on feroit de jeunes Perroquets : ils ne leur appren- nent que des noms : ils ne cultivent poinc leur jiigement , en les accoummant à rai- fonner fur les petites chofes qu'ils leur en- feignent^ d'où vient due les fciences gâten^ ipuventre%rit> au Heu dt- le former.
Étîj PREFACE.
Les exemples ferbient néceflàires ; fea laurbis donne davantage fi je n avois craint de groiCr mon Ouvrage. Les Maîcres.pour* ronc aifémenc y fuppiéer ^ & ils le doi* vant faire \ car y comme S^inc Âuguftin le remarque très judicieufemçnc , quand oa a un peu de feu , on profite beaucoup plus en lifant une pièce d'éloquence > qa ea apprenant, par cœur, des préceptes. Siacu* ium &fcrvcnsadjitingenium ifacilius adlu^, nt doqutntia legentiius & audUntibus clo^ qtunus iquàm cloqucntUpr^uptaftSantibus^ Il faut donc que les Maîtres falTent lii)e à leurs Difciples les excellentes pièces diélo- ^uence , & qu'ois ne fe fervent 4^ la Rhétor nque que pour leur faire remarquer les traits éloquens des Auteurs qu'ils leur font -voir-, ce qui ne fe peut bien faire qu'en li- fant les pièces toutes entières. Les partiels détachées, qu'on en propçfe pour exemple, perdent' les grâces quand elles font hors de» leur place : leparées du refte4u corps, elles font , pour ainfi dire , fans vie. Mon Ou-* vrage , comme je l'ai infinué , ne regarde
{>as feulement les Orateurs , mais généra- ement tous ceux qui. parlent & qui écri- vent , les Poètes , les Hiftoriens , les Phi- lofophe^, les Théologiens. Quoique j eài* ve en François , j'efpere que mon travail .fera utile pour toutes les Languest
PREFACE. ttii/
Au refte, ce n'eft pas feulement une nou» velle Edition , mais un Ouvrage tout nou^ veau que je publie. Jai refondu l'ancien, lelai retouché par-tout, augmenté de nou- velles réfleyioqs, & d'exemples. Depuis hs Editions précédentes, il ajparu plufieuri excellens Livres donc j'ai profite. J'étpis jeune lorfque je publiai cet Ouvrage pouf la première fois. Ce fut peut-être pour m'animer à travailler avec plus d'applica- tion , que des perfonnes d'un mérite r^re en apprquverent les premiers effàis, Mîdt enfin ceU me donna la hardiçflTe de le i^ro parpître ; é>c depuis ce tems-U , toqtes les , fois qu'on l'a réiîpp'ripié à Paris , j'y ai corrige ce que l'on a jugé à propos. C'eft ufl avantage à un Livre que fon Auteuf furvive aflez de tems après les premières Editions, pour qu'il le puiflè corriger fuir
' vant les avis de fes amis , les fentimenf du Public, '&: ce qtie lui-même peut pen- fer ayant atteint un âge où il doit ctt(5 pluf capable de juger,
Pour rendre cette Edition encore plus complette , on a ajouté les excellente^ Ré- flexions de l'Auteur fur l'Art Poétique ; XOM
priméçs à Parjç çn i (^78,
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Œuvres du P. Lan^ » de VQnuoin 9 qidfc trouvent ehe[ Us mêmes librauts.
jLaEs EleiiKos de MathématlqQcS) ou Traité de la Grandeur en général , qui comprend TArithmé- tiqae , l'Algcbre , l'Analyfe , &c. Seconde EdU tîon y revue & sugmeniée, In-ii. * de Géoméccie , on de la Mefiue des
Corps , qut comprennent les Ekmens d'Euclide y 4( l'AnalyTc , 6tc. Seconde Edition ^ revue & aug* jnentée^ la* 11.
Traités de Méchanique » de ITqailibre des Soli^ its & des Liqaears. In-it.
JHarmoniafiveConeordia quatuor ^vangelifia* vun.lîk'1%.
: Traité Hiftorique de U P^ae des Juifs ^ ou l'o» traite à fond la queftion^ Si Notre Seigneur à fait la Pâqae la veille de fa mort ,,^c. //t-i t. ■ Second Volttine, contenant fesJlépon*
les aux PeresMauduy , Daniel» PeMon ^ 3c a M« Tillemon> Ue. In-ix.
Réflexion (ur l'An Poétique ; do plaifir que donne la leâure des Poètes .^ fit de la manière de les lire avec fruiç. /«-ix, ^ Démonftration de la vérité te de la ûûnteté de i^brangile. /»-!&• 5 vol.
TABLE
TABLE
D£ s
LIVRES ET CHAPITRES.
-ii^
LIVRE PREMIER.
Chapitre I. f^Es cr^mnes it U wi*. Cêm^ meut ft frrtm in parole» page r.
^hap. II. La paroU gft un tMiau d$ nos penféesm Avant que de parler , U faut former dansfon efi' prit le dejfein de ce tableau, 5
Chap. III. La fin ^ la perfe^ion de tArt de parler confiftent à repréfemer avec jugement ce tableau qu'on a formé d^s Cefprit. 7
Cbap. IV. La manière la plus naturelle de faire conm
néitre ce c^on penfe y ceft par les diffèrent fons
delà voix. Comment le feroient des hommes qm,
^naijfant dans un Àp avancé , mais fans favbirca
que cefi que parler , fe trouver oient enfemhle, i )
Chap. V. Ces nouveau» hommes pourroient trotta
ver une manière d^ écrire. Celle qtte nous avons ejt
. due aux anciens Patriarches, ' I7
Chap. VI. Vour marquer les différent traits d» ta^ bteau dont on a formé le dtffjtin dans Coffra » on a befoin de mots de différons ordres. 1 %
Chap. VII. Réflexion fur la manière donty en chaque langue y on Je fait des termes pour s'exprimer. Ces réflexions conviennent à l'Art de parler. 1 S
Chap. VIIL Des Noms Suhftitvtift & AdjeBift ,
c
|[«v^ Tal>!e des Livres & Chapitres.
des articles , du nombre. ($* des cms de Noms. ^|
:Chap. IX. 'Des Verbes , de leurs ferfvnnes , de leurs tems , de leurs modes ^ de leur voix aciive ô* p^/r five. '5*
Cbap X. Ce grand nomhrje de declinaifons d$s noms , ^ des conjugaifons des verbes neft feint abfolument neceffa'tre, fropçption dune nouvelle langue , dont la Grammair£ fe fourreit apprendre on moins d^wae heure, ' ^ 4^
jChap. XI- Comment l^on peut exprimer toutes les opérations de notfe yfpfit , ^Hes payons on^af" ferions fie notre volonté, ^^
Çhap. XII. Conftrufiion des mots enfemhle. Il faut exprimer tous les traits du tableau qu'on a formé dans fon efpfit, 57
Chap. XIII. Ùi Vordre (j» d» Parrangernms des mots. £'^
■Chap. XIV. Delanetietiyé^ desvices qui lui font oppofis. 79
,Chap. XV. 0^ h véritaUe origans des langues^
7;
X:hap. XVI. l^'ufageefi le m/utn dits langues. E,lles s* apprennent par tufage. 8^
Çhap. Xyil. il y et union él* tm m^ttvdUs ufage. Règle pour en faire la difiin&iots, 9 i
Chap. Xy IH. De la pureté du langage. En quoi elle confifte, Cfi que €*efi que VMgamee, ^
^ap. %l^. De la perfëdion des langues. VHér braïque es été parfaite dès fa première origine p Ç'eft*àeile que jtoutes les autres'detvent léser pFe^» ^Hfe perfe^ion.' Quané ^ cemme^tla Grecqu$ ^*efi ferfeilipnriéei j^j
Table des livret & Chàpîtfes. iivQ
LIVRE SECOND.
Chapitre I. J ^Es mêmes chofes peuvent itreeâiu
fuev dtféremmint : ce que U parole , qui eft tt*
mage du Cefpnt , doit marquer. X 1 1
Chap. II. Il ny a point de langue ajfex. fiche (^
ajfez. abondante pour fournir des termes eap^
Nei d*ëxprimer toutes les différentes faces fous lef"
mtoUes tefpri$ peut fe repré/enter une même chofe*
Il faut avoir recours à de certaines fafons depar-
■ Itr quon appelle Tropes , dont en explique ici ta
nature ^ Convention,, iiS
*Chap. m. Lifies des efpues de Tropes qui font les
plus eonpdirahUs, lï^o
CKap. IV. Les Tropes doivent être clairs. i x%
Cbap. V. LetTropoi doivent être proporiionnés io i%
i dée qu*on veut donner. Cette idée doit être raifon-^
\ nahU, \yt,
' €hap. VI. Vtikti des Tropes. x ) 4
Ckap. yil. LeifaJJhms ont un Ungage particulier.
Lef exfrtffions , qui font les caraBeres des paffiom^
font appelUes Figures, i}7
Chap. VIII. Les Figures font utiles ^nicejfa^rés.
^Chap. IX. Itfie des Figures. 144
•Chap. X. ''Le nombre des Figures èfl infini. Chaque
' Figu'iiéftpfut faire en cent différentes manières.
''"■-••''■•- ^ • ■ i7d
Chap. XI, "Us Figures font comme les armes de i*^-
me. Parallèle itun Soldat qui combat , avec un
Orateu r qui parle. 1 7 1
Chap. XJTl Les Figures éclaircifent les vérités okf"
cures y ô* rendent F efftit attentif. 17s,
c ij ,
Tt^i Tibfc 3ts Livpes et Chiplti-cs; Chap. XIII. Les ligHresfont fr^fres à ixeittf lis L paffions, 178 \
Ch^ip. XIY- ISiéJltxiùnfMr le ben nfsgê des Fig$nes.
iSo
LIVRE TROISIEME.
Chapitre I. J jEfTein dé ee Uvre. Oui ^ traît^ de la partie matérielle de U parole \ eefi-à-dire ^ desfem don$ les fardes fent eemfejies. On décrié comment fe forment ces fins» 187
Chap. II. Des lettres dont les mets font cempofés. premièrement , des voyelles. Comment kurfonfe forme. . 196
C'iap. III. Des cenfennes, Com>ment elles fifor^ mènt^ iai
Cliap. IV. De V arrangement des m$ts* Ce qu*ilj^ faut,obfetver ou éviter, 1 1 1
Chap. V. En parlant , la voixferepofe de testes eth tems* On peut commettre plufiiUf s fautes enplu^ fant mal les repos, de la voix. % lo
Chap. VI. Les mots font des font. Conditions nécef. faires aux fins pour être agréables,. 1 18
Chap. VIL Ce queUsoreilUs difiinguen^ dans Ufop.
^ des paroles , ^ ce quelles y peuvent appircevpUt
avj^c plaifir. » , . 4^4
Chap. VIII. ^ Comment il faut diftrshuer if s .inte%* vaUes de la refpiration , afin que le^ repos de /« iJoix foient proportionnés, Compofition des Pério* des. 139
Chap. IX. De l'arrangement figuré fies mots,^ En quoi cofififte cela. 145'
Chap. X. De la mefure du tems qutim fylUtbet fi V peut prononcer. De la firuâutedfij^.Kcrs^ , ^ijj,
Table des Livres & Chapitres. xxJt
Chap. XL t>es mefures ou piedraûiù les Gna & lei L aiins eomfofent leurs Vers, tjf
Chap. XII. En quel cenfifie l'égMlitê des me fûtes des Vers Grecs é* Lutins ^ ou ce qui fuis cette igu^ lité. xét
Chap. XIII. De U vuriiti des mefures , é* de r alliance deVigulitiuvec cette variété. Comme fi trouve rune (^ Cautte chofe dans les Vers Gréât ^ Latins, 164
Chap. XIV. Les premier er Voéjtes des Uehreux , ^ de toutes les autres Nations , non$ été vrair,^ Jemhlablemens qUe des ririrn dans leur commence ' fUfint, tëi
Chap. XV: De U Poi/te ftatifoifi, (^ de celh de toutes les autres ïiittions ^qut ont d4s rimes,
»7T Chap. XVI. Il y és une fimpathie mer'ùeilleufi entre notre ame (^ la cadence du difiourr» quand cette jcadence convient à ce qu*il expri* me, i8b
Chap. XVIT. Moyens de donner à un difcours une cadence qui réfonde uux ckofis qu*ilfgmpe, x V6
LIVRE QUATRIEME. Chapitre I. JjTJjet'dê ce quatrième Livré', 3e$
difhens fiyles.Ceque c*eft queftyU, , . , 19'
Chap. II. Les qualiti:^ dis ftjte de chaque AuteU
dépendent de € elles de/on imaiination ^ de famé
U)7 Auteur
lependent de celles de fin ima^nution , de fa mé^ moire ©• de fin offrit, * ■ 159
Chap, ni. j2f'*^'^^ ^' lafuhfiancedu cerveau y <5» des efprits animaux ^ néctffaires. pour faire ung bonne imagination, ^ox
Chap. IV. Ce qu^fmt lumùnoin heurenfe, joj
rit Table des Livres & Chapitres.
Chap. V. Qualnés dei'effrit , nécejjaires pour fZ/tf-
quenci 307
Chap. VI. La diverpté des incUnMibns (^ du tem» • pirmmment diverfifie le ftyle. Chaque ferfonne ,■
chaque elimof * [on fiyU qui M tjl particuîiet»
M» Chap. yil. Chmque fiecle afin fiyU. 3 14
Chap. VIII. La matière que l'on traite doit diter^
miner dans h choix ditftyle, 3 17
Chap. IX. Reghpûur le ftyle Juhlime. 3 10
Chap. Xi Du ^iyle , eu earailerejfimple, 317
Ch^L^. XL Du ftyle médiocre. 33©^
Chap. XII . Styles propres À certaines matières» Qu a^
Ut es communes a tous ces ftyle s, 3 5|
Chap. XIII. Quel doit être le ftyle des Orateurs,
Chap» XIV- Qf^fl dûit être le ftyle des HrftorienK
34Ï" Chap. XV. Quel doit être U ftyle Dogmatique. 344: Chap. XVi. Qmetdoit itfe le ftyle des Poètes. 345 ,Cbap. XVII. Des ornemens. Premièrement de ceuv
qu on peui nommer naturels. 351
Châp. XVIII. Des ornemens artificiels. 3^3
Chap. XIX!^. Des faux ornemens. 35^
Chap. XX. Règles qu'on doit fuivre dans ladtftri"
btttion des ornemens artificiels. 3^1
. H.VRE CINQUIEME.
I ■♦•.-,'
Chapitre I. {^ 'Eft ttn Art que de favotr-^farler de manière qu'on perfuade. Ce qu'il fatét faire four cela. Projet de ce Liyre. ^6$
Chap. II. Premiers partie de I^JLrt déparier qui ejl 1^ invention* ' ' ^ - " - J/i
Table des Livres & Chapitres . «x«;
<Cbap. ni. Les lieux Communs yk où PpnféUt urer
des preuves générales, 37^
^Chap^ IV. Des lieux propres à certains fujets ^ d*oi
fe peuvent tirer desfreuves, jjf
.Chap. V- RéfiexioB fur cette Méthpdi des lieux.
|86 ^ap. VI. // n'y a qnf la vérité eu tapparmcê de la vérité y t^ perfuade, 3 8i
^bap. VIÏ. Comment on peut trouver la vérité , Im faire connoîtr^ , (§• découvrir C erreur, "j 87
xChap.'VIIL U attention eft nécejfaire pour connoitft la vérité. Comment on peut rendre attentif nn Au- diteur, ) 90 X:bap. I^. Ce qsû fait la -dtgeronce de tO/ateur d'avec le Philofophe, " )5j Cbap. X. Des manières de s'injinutjr dans tefprtê de ceux à qui Von parle, 39g ,Chap. XI. Qualités requifejf dans la perfonne de celui qui veut gagner ceux à qui il parle, 400 >Chap. XII. Ce quUfaut ohferver dans Us ehofos dont on parle , pour s*infinuer dans t offrit des Au* diteurs, 404 ,Chap. XIH. Les qttalités nécejfaires à tm Orateur , pour gagner ceux à qui il parle , ne doivent pa^ être femus, 409 Chap. XIV. Manière et exciter , dans Pefprit de ceux à qui l'on parle y les paffions qui/es peuvent porter où ton veut les conduire, 411, :Chap. XY. Ce qu il faut faire pour txc^iter les paf- fions, 415 Cbap. XYI. Comment on peut donner dtt mépris def chofes qui font dignes de rifée, 4 1 9 Cbap. XVII. Seconde partie det Art dfperfuadery qui eft la difpofition. Elle a quatre parties. De U première qui eft tExorde. .415 .C^ap. XVIII. Df la féconde partif 4e U J^^fpop:,
a[xxij Table des Livres 8c Chapitres. .
/Chap. XIX. Dt la troifieme partie de la difpojîden^ ^qui eft la Confirmation , ou df thabltffèment des preuves : (J» en rneme-ttms dé la réfutation des raifons des adyerfaires, ' 41^
jChap. XX. De r Epilogue , dernière partie de Im Difpofition, . ' 4} 3
iChap. XXI. Des trois autres parties de PArtdeper^ fuader^ , qui font fEUçution , la Mémoire o ^^ Trononçiation, . 4^4
,Chap. XXIJ. De la diffofstiûn fu$ eft partienlterê aux difcours Eccléfiajliques , ou Semons. 437
pin de la Table des givres & Chapitres.
LA
L A
RHETORIQUE
0 U
L'ART, DE PARLER.
LIVRE PREMIER.
Chàpit&e Premier.
Dts Organes de la Voix. Comment fe foniit l* parole.
I
_^L ny aurolc point de focîct^ entre Ic< hommes, s'ils ne pbuvoienc le donner les uns aux autres des (ignés fenfiblcs de ce qu'ils pcnfcnc & de ce qu'ils veulent. Ils Je |)euvent faire avec les yeux & les doigts , comme font les muets : mais outre que cette manière d'exprimer fes penfces e(l très imparfaite , elle efl encore incommode \ car l'on ne peut point, fans fe fatiguer , faire connoicre avec les yeux Ôc les doij>,ts toutes les diiF<^rentes chofes qui viennent dans refprit. Nous remuons la langue aifément , & nous pouvons diverfifîer le Ton de notre voix en dif- férentes manières faciles & agréables s c'eft pour- quoi la nature a porté les hommes à fe fervir des or- ganes xle la Voix.
La dirpofitioo de ces organes eft merveilleufe. t^
A.
% LaRhetoriquEjOul'Art' Trachée • artcre ou l'âpre - artère , qui vient ici poulmons , & répond aux racines de la langue , eft comme un tuyau d'orgue. Les poulmons fervent de fouffiets } car ils attirent l'air en s'écendant , & le repouffcnt en fe relferrant. La partie de la Trachée- artère , qui eCl proche de la racine de la langue , s'ap- pelle le Larynx , qui cfl entouré de cartilages & de mufcles, qui fervent à l'ouvrir & à le fermer. Ccft en ce lieu là que fe forme le fon de la voix. Quand Fou vertu re du Larynx eft étroite •, l'air fortant avec violence fe froiffe , & reçoit un trémouflcmcnt ou une certaine agitation qui fait le fon de la voix , mais qui n* eft point encore articulée. Cette voix eft reçue dans la bouche , oii la langue la moSifie , & lui don- ne diverfes formes , félon qu elle la pouffe ou con* tre les dents , ou contre le palais *, qu'elle l'ariéte ou la lai (Te couler j que la bouche eft plus ou moins ouverte. ' Les hommes , trouvant tant de facilité à exprinaer leurs fentimens par la voix, fe font appliqués àcon^yi iîderer toutes les différences qu'elle reçoit par les difFcrens mouvemenç des organes de la prononcia- tion. Ils ont marqué chacune de ces modifications particulières par une lettre ou car^â^re. Ces lettres font appellées les Elémens du langage, parcequ'il en eft compofé. L'union de deux ou de trois lettres qui peuvent fe prononcer de compagnie diftin^ç* ment U facilement , fait une fyibbe. Une ou pla- ceurs (yllabes font un mot ou une parole. Dans la fuite de cet ouvrage je parlerai des lettres « & dç. leur nombre , plus exadiement que je ne fais ici : ce* pendant , je remarquerai en paffant que quoique le nombre des lettres foit petit , elles fuffifent néan^ moins pour compofer les termes , je ne dis pas feu* lemcnt des Langues qui fc patleut aujourd'hui dans tout le monde , mais de celles qui ont été vivantes ^ & de celles qui pourront naître dans la fuicc des fic- ^(e^^ Car , quand il n'y aiirpit <^uc vingt-^uatrç Içç*
fil E T A 11 1 E A. Liv. L Chap. IL" f Ires dlfiérentes dans les Langues qui en ont un plus grand nombre , l'on peut dempntrer qu'en les com- Bnanc en toutes les manières poflTibles /l'on peut pre- mièrement faire cinq cens fepcante Gz mots de deux letcces ^ qu'en prenant ces vingt quatre lettres trois à trois^ l'on peut faire un nombre de mots de trois lettres , qui fera vingt-quatre fois plus grand ; c'ed- à dite» 13814^ & qu'en.les prenant quatre à quatre cinq à cinq , (iz à uz , le nombre des mots de cinq lettres fera vingt-quatre fois plus grand que celui de quatre : celui des mots de flz lettres fera vingt-quatre lois plus grand que celui des mots de cinq lettres. Âixifi le nombte des mots de iîz » de fepc , de huit let<« très 9 & des autres fuivans, augmente dans la même proportion : ce qui va û loin que l'imagination fe confond , & qu'elle ne peut comprendre ce nombre prodigieux de difFéreps mots qui fe ptuvcnt faire de la combinaifon de vingt-quatre lettre». Il efl vrai que Ton ne pourroit pas fe lervir de tous ces mots , parce^ qu'il y en auroit plufieurs qui ne fe pourroient pas* prononcer ^i{liu<^ement & huriicmcnt \ mais enfiti le nombre de ceuz dont on pourroit fe fervir efl: prefque infini , & nous donne fujet d'admirer la fa-* geffe de Dieu » qui, aiant donné l'ufage de la parole auz hommes pour ezprimer leurs différentes pen«- fées y a voulu que la fécondité de la parole répondît à celle de leur efprit.
Les hommes auroient pu marquer ce qu'ils pèn- lent y par des geftes. Les muets du Grand-Seigneuc fe parlent & s^entendent > même dans la plus obfcure nuit, s'entretoHchant de difiérentes manières. Mais » comme on a dit , la facilité qu'il y a de parler , ^ porté les hommes à n'employer pour (ignés de leurs penfées > que des paroles , lorfqu'ils ne font point contraints dé garder le (îlence.
On appelle ngne une chofe qui, outre Tidée qu'elle donne a elle-même quand on la voit, en donne une '
Aij
4 La Rhétorique, ou l'Ar^ féconde qu on ne voit point. Comme lorfqu'on voit à la porte d une maifon une branche de lierre ^ outre ridée du lierfe qui fe piéfente à TeCprît , on conçoit qu'il fe vend du vin dans cette maifon. On diftlngue deux fortes de fîgncs : les uns font naturels ,^*e(l>à« dire , qu'ils (ignifient par eux-mêmes ; comme la fa« née cft un (igné naturel qu il y a du feu ou on la voit. Les autres, qui ne (ignifient que ce que les hom- mes font convcnus'qu ils ngnifieroientjfont artificiels,' Les mots font des (îgnes de la féconde efpcce ; au(G le «uéme mot a différentes (ignificarîons , félon les Lan* gués où il fe trouve \ & c'cik de-là que bien que tous les hommes aient les mêmes idées , & que les cho* ùs ne foientpas différentes félon la difîférence des climats « chaque langue a fes termes. 11 dépendoit des hommes d'établir les mots qu'ils vouloient , pour être le figne de leurs idées \ de celle oar exemple qu'ils 4>nt du foleil. Dans la l^rfe , dans ta Judée , en Grèce * en Italie % le foleil cft le même , & cependant les Pcf fes y les Juifs , les Grecs & les Latins , n'ont pas choifi les mêmes fons pour être le figne de cet Aftre. Il n'y a aucun rapport naturel entre ce ^lot Soleil y & l'Aftre dont il donne l'idée : s'il en a une à l'égard de ceux qui favent le François , c'eft parcequHls fa* vent qu'en France nous avons coutume de marquer ^ par ce mot , cet aftre « qui pourroit s appeller Lune ^ £ les hommes étoient convenus de ce terme pour mar* quer fon nom.
Cette remarque nous donne lieu de diftinguer deu]( chofes dans les mots , le corps & l'ame , c'elt-à- dire , ce qu'ils ont de matériel , & ce qu'ils ont de fpiri- tviel j ce que lcs;oifeaux« qui.imiteht la voix des bom-* 2Des > ont de commun avec nous , & ce qui nous eft pj^rtiçuli^r. Les idées , oui font pré fentes à notre cf- prit lorfqu'il commande aux organes de la voix do former les fon$ qui font les fignes de ces idées > fonç l'40iç des paiolçi ; ics fons ^ c^uç formçn; ks organ
^C PARLE X. LiVs L Châp. II. f
fîes de la voix, & qui^ bien qa'ils n'aient eneut^ mêmes rien de femblable à ces id^esyne laifTenc pas Se les fignifier , font la partie matérielle , ou le corps des paroles.
On ne podrrolt pas croire , fi Texpérience ne le faifoît voir , que les hommes ne parlent fouvent que comme des perroquets. Ils fe fervent de mots dont ils ne connoi^fent pas la (ignifîcation. En parlant , ou en- tendant parler , & en Ufant les livres , ils ne s'appli- Guent qu'à la partie matérielle du difcours y ôins faire de rcâextons fur les idées, dont les paroles qu'ils difent ou qu'ils entendent , font les (îgnes. De^Ià vient que peu de perfonnnes parleur raifonnablcment.
— ,.: .
Chapitre II.
'La parole efl un tableau denospenfées. Avant -qut de parler il faut former dans fon ejprit le ^ d^ein de ce tableau,
X Uifque les paroles font des /îgnes ouï reprcfen^ cent les chofes qui fe paffent dans l'efprit , on peut dire qu elles font comme une peinture de nos pcnfëes \ que la langue cft le pinceau qui trace cette peinture , & que les mots , dont le di^ours eft con»- pofë en font les couleurs. Ain fi, comme les Peintre?, ne couchent leurs couleurs qu*aprè$ qu'ils ont faic dans leur efpric l'image de ce qu'ils veulent reprë- fenter fur la toile , il faut , avaftc que de parler, for- mer en nous-mêmes une image ckirc des chofes que nous pcnfous , & que nous voulons peindre par nos p^aroles. Ceux qui nous écoutent ne peuvent pas ap- percevoir nettement ce que nous voulons leur dire, fi nous ne Tapi^rcevons nous-mêmes. Notre di(* cours éft la copie de l'original qui eft en notre tcte^ Un'y aj>oint .dcbonne copie d'un méchant origi-
A iij
i La Rhitoriquï, ou l'Art Aal : c'ed donc à cet original qu'il faut dVrbord trâ« .'ailler. Avant que de remuer le pinceau , c'e(l-à dire la langue , & que d'appliquer les couleurs , qui 'font les paroles y il fauc lavoir ce qu'ofl veut dire , & le ilifporer d*nne manière réglée ; de forte que dans le jdifcours qui exprimera nos pcnfées, les Leâeurs voient un tableau bien ordonné de ce que nous avons voulu leur rcpréfcnter.
Ceft à ceux , qui uaitent l'art de pcnfer y de par* 1er de cet ordre naturel qu'il faut garder dans i'ar- Tangement de nos penfées. Chaque art a fes bornes cu'iî ne faut pas pafTer : je n'entreprendrai donc pas de prefcrire ici des règles touchant l'ordre qu'on doit donner aux chofesqui font la matière du difcours. 3'averrirai feulement , qu'il faut méditer fon fujct, faire de/fus toutes les réflexions néceffaires » pour ne lien oublier qui puiffe contribuer à fon éclalrciffe- jnem ; prenant garde auffi de ne pas accabler l'efprit des Ledeurs par une trop grande multitude de chofes, ft de ne pas rendre fon difcours confus par des expli- cations trop étendues. L'abondance caufe fouvent la ilérilité. Les Laboureurs la craignent s ils la prévien- nent > Se quand les blés font trop drus , ils font man- der la pointe de l'herbe à leurs troupeaux» . .
Nous ne concevons jamais un rai fonnement, fi notre efprit ne fupplée les chofes nécefTaires , & s'il ne retranche celles qui font fuperflues. Un Auteor doit épargner cette peine à ceux qu'il entreprend d'inftruire. Un livre , qui ne dit que la moitié des chofes , ne donne que des connoifTances impar&ites ; mais aufli un grand volume efl: un grand mal , ftiyu ^£>Jiat fûym KMÙ9. On s'y égare , on s'y perd , à pei- ne a-t-on la patience de le feuilleter. Apres avoir donc ramaué avec exactitude toutes les chofes qui xegardent la matière que l'on traite » il faut les rçf- ferrer , leur donner de jufles bornes y faire an (hoix févere de ce qu'il faut dire , 9c rejettet oo
DE λA11LER. Z/v. /. Chap, lit. f
()ni eft: fuperâa. Il faut cnvifagcr concinucllement le terme oii Ion veac arriver ^ & prendre le cliemin le plus court , évitant tous les détours. Si Ton ne pafle Vite par deffu^les chofes qui ne font pas importantes & efientîelles , refprit du Ledcur eft diverti de Tappli- cation qu'il doit donner à celles *qui le font. *
Cette brièveté , fî néccrtairc pour rendre un Ouvra- .ge net & fort , rit confîftc pas dans le feul retranche- ment de tout ce qui e(l inutile ^ mais*dans le choir de certaines circondanccs qui tiennent lieu de plu« fleurs chofes que Ton ne dit pas» A-peu-prés comme fit Timanrhe , ce fameux Peintre de Tantiquicé , pour repréfcxîter dans une petite table la grandeur prodîgicufe d'un Géant. Il le peignit couché par ter- re ^ dormant au milieu d*unc troupe de Satyres « qui fc jouoient autour de lui. L*un mefuroît fa tête , un autre appliquoit un Thyrfcà fon pouce, faifant connoître par cette invention îngénicufe quelle étoît la grandeur de ce corps » dont les plus petites par- ties étoient mcfurécs avec le Thyrfe auti Satym' Ce^ inventions demandent de l'cfprit & de l'appli- cation. Ceft pourquoi un Auteur fort célèbre , qui avoit cette adrclfe de renfermer beaucoup de chofes en peu de paroles y s'excufe agréablement de ce que Tune de fes lettres eft trop longue , fur ce qu'il n a-*' voit pas eu le loifîr de la faire plus- courte.
C H A P IT R B I I L
La fin & la ptrfeBîon de Van de parler confiftent i
reprifenter avec juf^ement ce tableau qu'on
a formé dans fon eforit.
A
^Vant <jue de paflcr outre, arrêtons-nous ici
pour confidcrcr quelle eft la fin & la perfection de l'Arc que nous traitons , ou quelle idée nous de-
A iv
» La Rhetor iqtT F, on l'Art vons avoir de la beauté naturelle d'un difcours. Te ne dirai point que la beauté en général confide dans Ma je ne fais quoi ; car il me fcmbîe^que je puis dire ce que c'eft. La beauté plaît , & ce qui^ft bien ordon- né plaît *, ce qui me perfuade que l'ordre & là beauté «font prefque une même chofe. Ce n*cft pas ici le lieu de rechercher la caufe du plaifir qu'on rcfTcnt lorf- qu'on voit les chofes bien rangées. L'Iiomme étant fait
Îour être heurçux eti pofTedant Dieu qui eft eflcntîcl- ement l'ordre , il falloit que tout ce qui approche de l'ordre , commençât fon bonheur.
Or l'idée que nous avons de l'ordre , c eft que les chofes ne font bien ordonnées quelorfqu'elles ont un rapport à leur tout , & qu'elles confpi rent pour attein- dre leur fin. Quand cela arrive , les chofes deviennent agréables quoiqu'elles ne le foient pas d'elles* mêmes; ce qui marque que nous fommes portés par une incli- naiion naturelle à aimer l'ordre- La peinture le fait voir ; il y a des tableaux qui ne rcpréfcntent que des ^ objets pour lefquçis on a de l'aVicrfiôn. Cependant, comme la fin de cet Art eft de rcpréfcnrer les chofes au naturel , fi chaque trait qu'on apperçoit , exprime Ja pénfée du Peintre , & que tout corrcfpondc à fon dcftein , fon ouvrage charme. Ce qui plaît n'eft pas la vue d'un ferpcnt qui eft peint , on frémit quand on en voit un i mais ce qui rait plaifir c'eft l'efprit du Peintre qui a fu atteindre la fin de fon Art. Auflî n'y en prend- on qu'à proportion cvie fc découvre cette adreffc. Sans cela on n'eft fatisfait que de la vivacité des couleurs , qui font des fmpreflîons agréables fur l'es fens. Il en eft de même de l'Architeé^ure. La vue d'un Palais, fait félon toutqle» règles de TArt, ne plaît que lorfqu'ôn apperçoit la fin que TArchitedlc s*eft: propoféc 5 qu* on ^oit qu'il rapporte toutes chofes avec cfprît à cette fin 5 qu'on conçoit qu'il ne pouvoit pas y arriver par des voies plus fi mplcs , & qu'il n'a riea fait donc il ne puifiê donner de bonnes raifons«
r>t ^AlLLtR. Liv. I. Chap. III. ^ Nous parlons pour exprimer nos penfées , & pour communiquer les mouvemens de notre volonté > car nous devrons qu on aie avec nous les mêmes mou* vçmens vers Tobjct de nos penfées & le fujec de no* tre difcouri. Sa beauté ne peut donc coodder que dans ce rapport exa6l que toutes fes parties ont avec cette fin. n eft beau lorfque tous les termes dont il cft comporé donnent des idées (î jufVes des chofes , qu*on les voit telles qu'elles font , £t qu'on fenrpouc eiics tontes les afFedlons de celui qui parle. Ceft ion jugement qui plaît quand il ue fait rien qu'avec xaifon , que tous fes termes font choifîs , qu'ils fbnt propres & bien arrangés. Ceft ce que nous ad« mirôns dans un difcôurs. Car enfin*, ce n'efl pas le fondes paroles qui en fait la beauté j autrement on tronveroit plus beau le chant des roffîgnols que les difcôurs les plus éloqucns. Bien qu'un Auteur ne rappone que des bagatelles , s'il en fait une peinture exa<5^e , & qu'ainfi il arrive à la fin qu'il a en vue » ceux qui font capables d'appercevoir Ton art, prennent plaifir à l'entendre.
Prévenons- nous donc de cette vérité 9 que c'cft la juftefie qui fait la folide beauté d'un difcôurs 5 que pour bien parler^ il fajit être fage s car c'eft la fagefle <[ui difpofe les chofes, & les conduit à leur' fin*
Scrihtndi reBè^ faperc efi & principium & fons^
Horace ( Art» Poit, v, 305. ) n'« jamais rien dît oui foit d'un meilleur fens. Uimagination eft nécef- iaire : on ne peut exprimer que ce que l'on conçoit» Ce qui eft roaigfe & eftropie dans l'imagination de l'Orateur , l'eft dans Tes paroles. Il faut donc fe repré- fenter les chofes dans leur état naturel , & concevoic pour elles des mouvemens raifonnables s emploïanc enfuite des termes qui les portent à Tefprit de celui qui écoute, telles qu'on les penfe. Perfonne ne parle bien, n'écrie bien , qu'à proportion qu'il approche 4c
A Y
lo La RhetoRiqtii OU l'Ari'
cette fin. Il plaît à ceux qui découvrent quil ne fûtsi voit pas trouver des ternies qui diftinguairent mieux cequil falloit marquer > qu'il ne pouvoit pas pla* cer fes termes dans un lieu ou ils fiiTent un plus grand ciFet , ou ils s accommoda fTent mieux pour rendre la prononciation facile & coulante j qu'il a pris le tour le plus naturel & le plus court. Car ^ outre qu'il ne faut rien faire d'inutile , il e(l certain que Tetpric naime pas qu on lamufc. Quelque vîcefTc qu'ait la langue y fes mouyemens (ont encore trop lents pous fuivre la vivacité de l'efprit* Ainfi c'efl une grande faute que de dire plufîeurs paroles lorfqu'une fuffit.
Je ne puis donner d'avis plus important dans ce commencement i. que celui - ci , que Ton û*eft élo- quent qu'après avoir acquis une grande jufteffe d'eC- prit -, qu'on doit faire une attention continuelle, en parlant » fi Ton ne s'écarte point de la fin ou York idoit aller , fi l'on y va efFedivément. La raifon nous éclaire , il faut marcher à fa lumière : tout ce que nous dirons dans 4a fuite de cet ouvrage ne fera que pour faire remarquer ce qu'elle di<5^e. Je fouhaice- rois qu'avant que de quitter ce Chapitre on le lût plus d'une fois 3 & qu'on exarxiinât d ce que je diseft iblide , en faifant Teffai fur quelque çxprefiion qui pafTe pour élégance , comme eA celle-ci du commen- cement de ^Gcncfc. ( c, i.ir. ?. ) Dieu dit: Que la lumière fe fajje ; & la lumière fi fit : rien de plus fu- blime que cette pen fée , rien de plus finiple quel'ex* predion. Longin, ce célèbre Rhéteur, donne cette €xpre(non,pour exemple d'une expreflion fublime. Or pourquoi l'efl elle fublime , c'eft>a-dire excellemment belle , û ce n'eft parcequ'elle donne une haute idée de la puifiance.du Créateur -y ce que Moïfe vouloic faire : c'étoit-là fa fin.
Comme nous l'avons dit , Il faut avoir de Hma* gination pour fe bien rcpréfenter ce qu'on veut ex- primer, jl faut favoir la Langue dans laquelle oa
CE PAUtËR. Liv. t. Chap. Ut. 1 1 ferle. Mais ce qui faic qu'entre ceux qui entetidcnc parfaieemenc une Langue « qui ont une imagina- tion vive & délicate ^ il y eu a peu qui réufTiflcnt ^ c'cft qu*on n^crit pas avec tout le jugement qui fc- roit néccfTaire. Pour faire un difcours ^ quand il ne feroit que d'une page , il faut y emploïcr un grand nombre de mots qu'il faut ptaccf à propos. Il n'y a que ceux qui i aient expérimenté , qui comprennent combien il faut d'étendue d*efprit > combien il faut d'application-, à combien de cnofes il faut faire at- tention en méme-teraps \ combien il faut faire de ré- flexions différentes pour ne rien dire que de raifonua* ble. Il y a toujours quelque petite chofequi échappej Audi on ne fait rien qui mérite d'être lu , a moins que de paiTer les yeux plufieursfoîs fur fon ouvrage, & de confuher en difFérens temps laraifon, pourvoir fî on a bien compris ce qu'on a cru qu'elle didoit. Rien ne cous doit plaire que ce qu'elle approuve.
Pour rendre plus fcnfible cet avis important , con- fidérons que fî aujourd'hui nous admirons les anciens Auteurs , c'eft parcequ'après un examen de plufîeurs (îccles on a trouvé qu ils (ont raifonnablcs \ au liea qu'oii fe laifTe affez fouvent furprondre, edimant dans les Auteurs moderne^! ce qd'onfie pourroit fouffrir fi on lesexaminoit à loidr. Ce n'cft pas parceqn* Homère & Virgile font anciens . que tous les gens d'efprit les admirent ; c'eft qu'en effet , comme le dit le célèbre TraduAcur de Ldngin , ( 7c. rifl, fur Long. ) il n'y a que l'approbation de la poftérité qui putffe établir U vrai mérite des ouvrages, Quelqu* éclat qu'ait fait un Ecrivain durant fa vie, quelques éloges quilait reçus^ on ne peut pas pour cela infailliblement conclure que fes ouv/ages foientexcèUens, De faux brillans ^ la nouveauté du fiyle , un tour d'efprit qui étoit à la mode , peuvent les avoir fait valoir ; 6» ilarrivtra peut-être que dans lefie%fuivant on ouvrira les yei x^ & qujf§ méprifera ce que Von a admiré.
A vj
ïz La Rhétorique, ou i'Art
Ce fera fans doute aufli-côt qu'on appercevra ^è qui y 4^boque le bon Cens , rlco ne pouvant plaire long-ten^ps ouc ce qui cft raifonnable. Car enfin riiiuiion ne dure pas toujours. Cbaqte Auteur l*ev- p^imence dans fes propres ouvrages. Dans la cha- leur de la compofition , qui n'eft pas content de foi- méme } rimagiti&tion eft-elle refroidie , on efl: chagrin , parcequ* alors on juge mieux , & quon s*apperçoit de fon illuGon. C*elt pour cela qu*on ne ^oit pas fe hâter de publier un ouvrage : il faut le xevoir cent & cent fois ; car , je ne le puis trop dire « la difficulté de ne rien dire contre le bon fens e(l ia- concevable à tous ceux qui ne lont pas expérimenté. C*eft ce qui nous oblige de confulter nos amis. Nous avons beau être éclairés par nous mêmes : les yeux d* autrui voient toujours plus loin que nous dans nos défauts y & un èfprit médiocre fera quelquefois ap^ percevoir le plus habile homme d'une méprife qu'U^ ne vo'ioït pas. Au Ht ces excellens Peintres que l'An*' tiquité a admirés , les A pelles , les Poly€^etes« fé- lon la remarque de Pline , mcttoient des infcriptions \ leurs ouvrages , qui marquoîent qu'ils nétoient point encore achevés, &que fila «mort ne \ts fur- prenoit, ils effaceroîent de corrîgeroicnt ce quon y trouveroitde dékâueux. Pline appelle ces infcrip- tions : Pendentes titulos , comme celle-ci : Apelles faciebafy aut PolySletus i tanquam inchoatâ femper arte & imperfeSld , ut contra judiciorum varietates fupereffet Artifici regrejjus ad veniam^ velut emenda^ turo quidqtiid defideraretur ,fi non effet interceptus^
-%
D^ PAMER, Ziv. I. Chap. /r^ "ï|
Chapitk'eIV.
La manière la plus naturelle de faire connoître ce quoB penfe, font Us différens fons de la voix. Comment Icjeroient des hommes , qui , naijfant dans un âgt avancé ^mais fans favoir ce que c*eji que parler p fe trouveroient enfemble ?
t Omme l'on ne peut pas achever un Tableau avec une feule couleur , & diftînguer les diiFérences choTes qu'on y doit repréfenter.avec les mêmes traits. Il e(l impbffible aufîi de marquer ce qui fe pafle dans notre efpric , avec des mots qui foient tous d'un même ordre. Apprenons de la nature même quelle doit être cette diftinâlon \ & voïons corn- ment les hommes formeroient leur langage j tî , la nature les aïant fait naître féparément » ils fe ren«- controient enfuite dans un même lieu. Ufons de la Jlberté des Poètes ; faifbns fortlr de la terre ou def-* cendre dii Ciel une sroupe de nouveaux hommes , qui Ignorent Tufage de la parole. Ce fpedacle eft agréable : il y a plaifîr de fe les imaginer parlans cntr'eui; avec les mains , avec les yeim , par des geftes & des contorfions de tout le corps ; mais apparemment , ils fe lalTeroient bien- tôt de toutes ces podures , & le hafard ou la prudence leur enfeigne- xoit en peu de temps l'ufage de la parole* ( L'Auteur reconnoU ailleurs Vimpoj^hiiité de cette fuppofition. Uv. 3, chap, K )
11 n'eft pas pofCbfe de dire précifément ce que feroient ces hommes, en fe formant un langage : quels fons ils choifiroient pour être le (îgne de ckst-» que chofe. Il n'en eft pas des hommes comme des animaux , qui ont un cri femUable > tel que Fair le forme > en fortant de la même maalere de leur gp-*^
I4 IA RrtfiTÔRIQUI/OV l'^Aïlt
ïier. Tous les boeufs beuglent , les brebis bêlent » Icf chevaux hennijfent , les lions rugiffint 9 les loups hurlent. Il y a des oifeaux qui articulent > qui imi- tent la voix de rbomme -, mais ce n*c(l qu'une imi- tation machinale. Les organes de louie & de la parole font liés 'j d oti vient qu*il e(l facile de prononcer ce qu'on entend. Les oifeaux, dans lefquels cette liaifon cft plus parfaite , fe dreffent aifément à prononcer par ordre un certain nombre de mots. Ils le font , mais il eft évident que ce n*e(l qu'une impreflion corporelle
Î[ui les y détermine. Aum la parole eft une preuve fen- ible de la diftin^^ion del'ame & du corps. Les mots ne fîgnificnt rien par^ux-mémes ^ ils n ont aucun rap- port naturel avec les idées dont ils font les Henes , bC c'cll ce qui caufe cette diverfîté prodigieufe de diffé- rentes Langues. S'il y avoic un langage naturel , il feroit connu de toute la terre , & en ufage par-tout.
C'eft une fable ce qu'Hérodote rapporte , ou (i €*cft une hiftoire , on n'en peut rien conclure, il die qu'un Roi d'Egypte aïant fait nourrir deux cnfans par des chèvres dai^s une maifon féparée , au bout de deux ans ces enfans^en tendant la main à celui qui entra le premier dans le lieu od ils étoîent, pro« noncerent ce mot Beccos , nui chez les Phrygiens , dit le même Auteur , (ignine du pain : d'où le lloi d'Egypte conclut que le langage des Phrygiens étoic naturel , & que par confequent ils étoient les plus anciens Peuples du monde. Ce Roi raifonnoit mal % car il y a de l'apparence que ces enfans n'aïant ja- mais entendu d'autre voix que le cri des chèvres qui les avoient allaittés , ils imiroient ce cri , >auQ^cl ce mot Phrygien ne reflembloit que par hazard. Les Grecs nomment ^«9 > Bêché une chèvre , fansdouteà . caufe de fon cri.
Quel rapport y a-t-îl entre la plus grande partie des chofes & leurs noms? Peut- on , par exemple , •ppercevoir une (i grande liaifon entre ce mot Soleil
^v YAltlsK. L/V. h Chap. IV. f} S la chofe qa'il ficroifie , qtie ceax qui ont vu cec Aftre aient été décermiois à prononcer plutôt ce mot SoUU qu'un autre ? Tout le rapport qu'il peuc y avoir des noms aux chofcs , c'eft par leur Ton. Ea cherchant un nom pour une\:hofe , fi elle fatii un ion > il fe peut qu'on fott porté à lui en trouver un , dont la cadence exprime en quelque façon fa nature. Comme lorfqu on a voulu donner un nom Latin aa Canon ^ on a choifi ce mot Bombarda , dont la pro« nonciation imite le Ton que fait le canon. Mais ces inots ne peuvent être qu'en très petit nombre , parce- qu*il y a peu de chofes qui faffent Ton. Celui de ces fix lettres S o l e i ly û les hommes ne Tavoient établi pour être le fîgne de cec Aftre , réveilleroîc également l'idée d'une pierre. Deux perfonesfe cora- muoiquent leurs pénfees avec toutes fortes de mots barbares , quand une fois ils font convenus de ce qu'ils veuletll faire fignifier à ces mots.
Platon , dans fon Cratile , dit qu'en impofant les noms il fout choifir ceux qui expriment véritable- ment la nature des chofes qu'on veut qu'ils (îgni- fient. Celaefl: fort bien, &.pofnblecn.quelque ma- nière , prenant les noms qu'on fait de nouveau , des chofes mêmes avec lefquclles celle qu'on veut nom* mer a du rapport , H distinguant le nouveau nom par quelque changement^ afin qu'il, devienne propre. Mais la queftion eft fi les premiers noms d'une Lan- gue qui font comme les racines des autres, expri- ment naturellement ce qu'ils fighificnt. Cda fe peut trouver en quelques-uns, comme nous l'avons dit. Les noms font des (bns , ainfi lorfqu'ils ne (c peuvent prononcer qu'en faifanc le fon de la chofe qu'ils fi- gnifient, on peut ^c que ces noms font naturels^ comme Beugtemenz ^ hennijfement , rugîjfemcni , heuglcry hennir , rugir ; mais je l'aï déjà dit , le nombre de ces noms eft très petite Tout ce qui ne fonne point ^ n*a point d'expreffion naturelle en €$
rt' La Rhstoriqijb, oi; l'Aict
fcas : oacre que de qaclqae mot qu'on Ce ferve pouf marquer ce qui a un Ton , ce oioc pourra coujjours réveiller Tidée de cette chofc, fi rufagc Ta autorifé* Celle du cri d'un animal fe peut réveiller par un nom dont la prononcia^onn a aucun rapport avec ce cri » fi les hommes Tont établi pour le lignifier. La peine , que prend Platon pouréclaircir cette queRion e(l donc inutile. Les étymologies ou véritables origines qu'il prétend donner ppur plufieurs noms Grecs, lont faulTes. Il lui auroit été plus facile de les dériver de la Langue fainte s'il l'avoit connue. Il avoue qu'il y a de certains noms qui fe doivent regarder comme les élémens de la Langue , dont on ignore lorigine. Il . iguoroit l'origine de l'homme que Dieu avoir formé de fes propres mains ^ & à qui il avoir donné un Lan- gage , dans lequel les Sa vans - prétendent qu'on peoc trouver l'origine de toutes les Langues.
Quoi qu'il en foit de ce fentiment , qui s'accorde avec cette vérité confiante , que tous les Peuples du monde tirent leur origine des trois enfans de Noé , il cil évident que ces hommes, fortis nouvellement de la terre ou defcendus du ciel , fe feroieût pu faire un langage dont chaque mot n'auroit point d'autre idée que celle avec laquelle ils l'auroieut lié ; fans qu'on piu dire que quelque imprefHon corporelle les y eut obligés , ou que la feule difpofition de leur organe le leur eûf fiait prononcer -, amfi que la voix ou le cri qui fort du gozier d'un cheval eu un hcn". niffement
Concluons donc qu'il fuffiroît que celui qui (croie le plus fage ou le plus autorifé de notre nouvelle troupe nommât , par exemple , ce mot Soleil dans le tenis qu'on feroit tourné vers cet Adre & qu'oa y feroit attention , pour faire ^u'il devînt le iwm de cet Aftre ; après quoi ce q'auroit plus été ua fon vain. Mais il faut avouer que cette convention içft difficile* Les Philofophes Se les Hiftoiiens , qui
ê DB PARIER. I/V. /. Chap, V, If
^calent cjuc les hommes fqicnt nés de laiterre com- ^ne des champignons , ont beau nous dire que la né- cedîcé de s ' cm r aider les obligea de s'aiTembler , 5c ^de fe faire un langage ; je ne fais C\ ne s*entendanc ^ point les uns les autres, 'Ils ne fe feroientpas plutôt dirperfés j aimant mieux demeurer avec des béces » comme falnt Augudin dit qu'on aime mieux con« vef(er avec fon chien , qu'avec des hommes dont on n'eft point entendu. Tant il cft vrai q4i'il faut recon* poître que ce n'efl point le hazard qui a formé les hommes : qu'ils, ont une première origine : qu'ils viennent d'un premier homme qui. étoit Touvragc de Di^u -, ce que nous dirons dans la fuite avec plus d'étendue. Cependant demeurons dans notre hypo« thefe d'une nouvelle compagnie d'hommes qui vien- nent de paroître fur la terre.
Chapitre V.
Ces nouveaux hommes pourraient trouver une manière
d'écrire. Celle que nous avons ejl due aux
anciens Patriarches»
^ l ces hommes pouvoient fe faire nn lans^age , ils pourroicnt àuffi trouver des caradercs , {îgnes de ce langage. C'cfl ce qu'il faut confiderer ici. Les Lan- *gues ne fe font perfeélionnécs qu'après qu'on a trouvé l'écriture , 5c iqu'on a tâché de marquer par quelques fignes pcrmanens ce que l'on avoir dit de vive voix , ou ce que l'on avoît feulement penfé. Le ton , les geftes i l'air duvifagede celui qui parle, foutiennent fes paroles , & marquent un© partie de ce qu'il penfe ; ainfi en l'entendant parler on conçoit âifément ce qu'il yeut dire. Un difcours écrit eft mort j il eft privé de tous ces fecours. C'eft pourquoi , à moins c^uil ne marque exactement -cous les traits de I4
ï« tA Rhétorique, ou i'Art penfée de celui qui a écrie ^ que toutes les paroles ne foient liées , & ne portent des marques du rapport qu'ont cntr'cllcs les chofes qu'elles fignifient , ce dif- cours e(l imparfait, obfcur , inintelligible. C'cft réciitute qui fait appcrcevoir ce qui manque à une Langue pour être claire : on voit en écrivant ce qu'il y faut fuppléer , ce qu'il y faut changer. Les Langnes barbares peuvent fuffire , quand il n eft queftion que des befoins de la vie animale , de la vente ou achac de quelques marchandifes , mais elles ne feroient pas capables d'un ftyle réglé dans lequel on pût expli«* quer les fciencesr
Or , il en eftde l'écriture comme du langage , Se généralement de tout ce qui dépend du choix des hommes. Tous les animaux font la même chq(t ; parceque c*efl: le mouvement de la nature, qui cft la même en tous , qui les fait agir ; mais entre plu- fieurs hommes qui entreprennent une même chofe , chacun d*eux la fait d'une manière particulière. Comme ils peuvent choi(ir quelque Ton que ce foie pour être le figne de IcuTs penfées , ils peuvent pa- reillement marquer ce fon par tel figne qu'il leur plaira^ & cela fort différemment. La manière donc nous écrivons , qui confiée dans les difRérens arran- gemens d*un petit nombre de lettres , e(l une inven- tion admirable qui fc doit rapporter aux premiers Patriarches. Les. Peuples barbares , j'entends tous ceux qui fcCparerent des cnfans de Dieu,& errèrent en difïérens coins du monde , n'eurent l'ufage de l'é- criture » telle que nous l'avons , que. fort tard ; ainfl que les Amériquains, avant que nous les connufllons, avoient feulement des figures ou images pour mar- quer certaines chofes \ ce qui eft bien di6térent de notre écriture. Avec vingt- trois difFérens fignes , ou lettres différentes , nous marquons ce que nous vou- lons. Ces lettres font fimples , faites d*un ou de deux traits , ou au plus de trois. En les combinant il n'y
DE PAUIER. Z/V. /. Chap, V, If
a point de chofe qui aie un nom , qu'elles ne mar- <}ueDC. Mais il n'en e(l pas de même de ces images des Amériquains, qui étoient proprement des fym- boles & non des élémens , manière d'écrire fort în*- parfaite , & qui ne mérite pas le nom d'écriture. Cel- le des Chinois eft encore plus défeéluenfe : difons hardiment qu'ils ne favent point écrire. Il leur faut quarante ou foixante mille caraéteres , & même juf- qu'à quatre -vinet mille ^ comme î'aflurent ceux qui ont été à la Chine. Combien faut-il de différens traits pour former Se diftinguer ces caraéleres ? Le moïen de fe les mettre tous dans la tête , de fe (ou- venir en les voïant de ce qu'ils peuvent^fignifier -, & lorfqu'on ne les voit point , & qu'on veut exprimer la chofe qu'ils fignifient , comment pouvoir tirer tous leurs traits ? L'Impreffion chez ces Peuples , eft auQLfort imparfaite ; car pour chaque page de leurs livres il faut qu'ils gravent fur une plancne de bois les caractères qu'ils y veulent rcprélcnter i laquelle ne peut fcrvlr que pour faire cette page ; ainfî il faut autant de différentes planches qu'il y a de pages. Uoc planche ne fe grave pasauflt facilement qu'on afTem- î)le des lettres , outre que celles qui ont fervi à une page , peuvent fervir à tout un livre.
Rien donc de plus imparfait que toute la littéra- ture Cbinoife. Cnaque cara^ere (îgnifiant une feule chofe , il en &ut connoitre un nombre infini , donc il n'eft pas poflible de conferver en fa mémoire la fignificaiion. & les traits qui les diftingucnr. Ajoutez qu'ils ne marquent que les chofes , & qu'ils n'ex- priment ni les a£^ions , ni les rapports. AufH les Chinois admirèrent les Européens voïant qu'avec un petit nombre de difîércns traits ils pouvoient ex- primer toute leur Langue. Nos caraderes fe nom- ment Elémens, parccqu'ils fout en petit Aombrc, ' que tous les mots en font compofés , & qii'il n'^y en a aucun qi^ÎQC puilTe Ct réduire à. quelqu'une de no%
ift La !lH9TORiQt;E, ou l'Afcl^
Icitres , comme k Ton prjndpe ; alnfî ^e toutes te§ choses matérielles fe réduiCent aux premiers élé* mens.
En parlant de la véritable origine des Langues ^ nous verrons en quel temps à'peu-près i'ufage des lettres a été connu. Nous verrons la preuye de ce €)ue nous avons avancé , que c'eft aux Patriarches qu'on c{\ redevable de leur invention. Mais il faut remarquer que cette invention s'cft beaucoup per- feâionnée dans la fuite des fîecics : fi ce n*eft qu'on veuille dire que dans les premiers commcncemens, on^ fc contcntoic d'écrire ce qui étoit abfolumcnt nécef- fairç, & qu'on fupprimoit ce qui fe peut fupplcer. On n'écrie dans une Langue que pour ceux qui la fa* vent ; ainfi en voïant les principales lettres d'un moc , il c(l facile à celui qui connoit ce mot de devi- ner les autres lettres qui ne font point marquées. Les lettres qu'on nomhîe confonncs, ne fc peuvent prononcer qu'on ne faHc en même-temps fonnér une lettre voïciîe. Ainfi un homme qui fait parfaite- ment l'Hébreu, quoiqu'il ne voie pas dans l'écri-» « turc tomes les voïclles , il les fuppléc aifémcnt. Que cela foîe pofïîble , on n'en peut pas douter , puis qu'encore aujourd'hui les Dodieurs imh ne les ex- priment pas dans leur écriture , & que cependant ils s'entendent bien, & lifeut couramment l'écriture les uns des autres.
C'cft un fait appujé fur de bonnes preuves * que jttfqu'au cinquième ficelé après lanaiffance de Je- sus-Christ. les Hébreux n'avricnt point I'ufage de ce qu'ils appellent /?oinrx, qui tiennent parmi eux lieu de voïelles. Ils «voient des voielles à la vérité, mais cclIcs-là ils les mettent auîjombrc des confon- nes , & en les lifant , ils font fouvcnt entendre le fon' d'une véritable voïclIc qui eft tout différent. Auflî il n'y a que ceux qui fa vent l'Hébreu qui le puiffent }jre fans poimst Dieu peuc-étrc le youloit ainfi $ afi|^
»E PARLER. Llv. I, Chap. F. ir ^ucfi les Livres de 1 Ecriture vcnoicnt à tomber en- tre les mains des nations étrangères , ils ne fuiTcnc point entendus : car non feulcmenc Tintelligence , mais laledure même de ces livres , dépendoient d'une Tradition vivante ; TÉcricure couvrant, de cette mt* nierc,des rayfteres qui ne dévoient pas être connus de tout le- monde.
• Autrefois dans l'Hébreu & prcfqne dans toutes les Langues on écrivoit tout de fuite , on ne diftinguoic point les djfFércns mots , par des points , par des vir- gules , qui marquent quand un nouveau fens corn- mencç , quand il eft achevé. On ne favoit ce que c'écoit de 'fépaier les mots , de commencer toujours un nouveau fcns par une grande lettre , de didin* guer de même les noms propres. Dans les Langues qui oht des tons difFerens , qui ont des accens , com- me la Langue Grecque , l'on n'a commencé de les marquer ces tons , ces accens , ces afpirarious , que depuis que la Langue a commencé de fe corrompre > ^ue la prdnonciation s*c(ï changée j & qu'on a cher- ché dès moïens de conferver *i aticienne. On a mis des notes fur chaque mot, qui ne fe voient gpinc dans les anciennes infcriptions , dans les manulcrits de la première antiquité. £n écrivant on ne doit rien négliger de ce qui peut contribuer à la clarté du (ly- le. Il y a des mots qui ont différentes fienifications, félon leurs différentes notes ou accens. Il faut pro* fitcr de tout ce qu'oiA trouvé dajis la fuite des fic- elés pour pcrfedHpnner l'écriture. Quant à la ma- nière de la ranger , elle n'eil pas la même dans toutes les Langues. Le$ Chinois rangent leurs caraderes par eolomnes. Il n'écrivent pas fur une ligne tranfver- fale , mais de haut en bas fur une perpendiculaire» mettant les caraâerçs qui fe fbivent non à côté « mais les uns fur les autres ^ ce que ceux de Tf fie de Taprobanc , qui fe nomme aujourd'hui Zeilan , fai» C>icac dii tem^s de Diodorc de Sicile. Encore aujovu^r
t4 1a Rhétorique, ou t'Ant faifons qaclque attention ,* U que nous réâcckîflônfl^ fur ce oue nous y découvrons , nous en jugeons ; c*eft-à-dire » que nous lui attribuons quelque qualité» en afTurant qu'il eft tel , ouqu'ihnefl pas tel. Cette (cconde opération de refprit sappelle;tt^«m^/ir^ la- quelle eft fuivic d'une troideme qui tire des confé* quences de ce qu'on a connu d'un objet par les deux premières opérations < c'cd ce qu'on appelle raifon^ ner, £nfin, lelon la nature & les qualités de l'objet de nos penfécs , nous Tentons dans la volonté des mou* vcmens d'cftimc ou de mépris , d amoup ou de hai- • ne , de colère , d'envie , de jaloufie ^ ce qui fe nom« patpajjîon, Ainfi tout ce qui fe paH'e dans notre c(^ prit , cft a6[ion ou pajjion. Nous verrons dans la luite comment les pallions fe peignent elles-mêmes dans nos paroles. L'on appelle idée , la forme d une
Senfée qui eft l'objet d'une perception J c'eft-à-dirc ^ 'une penfée qu'on a à l'occaHon de ce qu'on con« noît par la première opération de l'efprit. Par exem- ple , lorfque le Soleil frappe mes yeux par falumic-^ re , ce qui cft pour lors préfent à mon efprit , & ce que j'appcrçois en moi-même , eft l'idée du Soleil , laquelle demeure dans ma mémoire , lorfque cet aftrc dilparoîr. Ainfl nous ayons l'efprit plein des idées d'une infinité de chofes matérielles que nous avons vûesl Nous avons aulli les idées de plufîeufs vérités que nous n'avons point reçues des fcns.
Sans doute que tts nouveau;;: hommes donne- roient leurs premiers foins à faire des mots pour être les figncs de toutes ces idées , qui font les objet» de notre perception , ou de la première opération de notre efprit. Pour juger de ce quils feroicnt dans l'étâbliircment de ces (ignés j conlidérons c|ue ces noms , quels qu'ils foient , en tant qu'ils font pro-* ooncés ou qu'ils le peuvent être , font des fons que forment les organes de la voix. Or entre ces fons il y en a4ciùnp&s> auxquels on pcqr réduire ^puslrs
autres ^
fit PAR Lin. Llv. /. Ckap. VT. ij* jiatres . dont ils font comme les premiers élémcns. Nous diftinguons dans ta Langue FrançoiTe vingt- trois fons (impies > qu'on marque par autant de let- tres de différente figure. Ce nom Dieu cft eetafoCi de quatre fons d'mérens ou lettres qui ont cliacune 'leur fon. Les difpolitions des organes de la yoix pe«- yent être différentes , & dans leur fubftance ^ & dantf leur ufage ; ce qui fait que la même lettre a on fon différent félon qu'elle eft prononcée par différentes Nations. C'cft pourquoi fi on vouloir coniîde* rer toutes les variées & différences qui peuvenc être entre les fons qu'on appelle (impies , ou élé- mens de la parole , on trouve roit bien plus de vingt-trois lettres : car il y en a qui ne font ea ufage que parmi cerraines Nations qui les multi- plient , & y mettent des différences a(lez confidéra- oies , pour pouvoir être marquées par différens ca- raâcres. Nous avons , par exemple , *troîs fortes d'e à qui nous pourrions donner des caraâeres au/H différens que leurs fons , & ainfi augmenter le nom- bre de nos lettres. Entre les fons qui font (impies , il y en a c^ui ne font pas également faciles & agréables a tout le monde. Pour cela les uns l'es évitent , pcn« dant que d'autres s'en fervent. C'eft pourquoi il ne faut pas s'étonner que tons les peuples du monde a'aient pas un égal nombre de caraàcres -, que leur alphabet foit plus grand ou plus petit que le nôtre. Parlons de ces hommes que nous Introduifons fur la fcene , comme û le hazard faifoit qu'ils fe fer- viffent des fons ou lettres de notje alphabet.
Nous ne comptons que vingt-trois lettres ou vingt-trois fons (impies > aîn(î cette nouvelle trou- pe ne pourroit fe fcrvir des fons (impies que pour roarqucT vingt-trois chofes différentes 5 a moins qu'ils ne fuffent différencier- chacun àc ces fons par différens tons , pat l'élévation ou la pofîtîon de la yiW, conuQe dans le chant on prononce différcm-
B
x6 La Rhétorique, ou l'Art* •
ment la même voïclle félon qu elle eft notée , ce qa! n*c{l pas impoAible ni incroïable ^ car nous versons qu'il y a eu des peuples , & que les Chinois le font encore» aujourd'hui , qui chantoient en quelque ma- nière en parlant : Mais enfin (i notre nouvelle trou« pe prenoïc nos manières qui font naturelles , elle ne l^ourroir faire de vingt-trois lettres que vingt-trois noms. Suppofous donc leur alphabet de vingt-qua- tre lettres. £n compoCant des noms de deux lettres , elle en feroit vin^t-quatre fois davantage ; ceft-à" dire , cinq cens (oixante & feîze ; & vingt quatre fois encore davantage 5 c*eft-à dire , tieiz&mille huit cens vingt-quatre , en faifant des noms de trois let- tres , comme nous l'avons dit. AinH il leur feroit fa-' cile , dans cette infinie variété , de trouver des fignes particuliers pour marquer chaque idée , & lui don- ner un nom.
Comme Ton fe fert naturellement de fes premières connoifTances , nous pouvons croire que lorfque d*autres chofes fe prérenteroient à leur efprit qui fe- roienc femblables à celles à qui ils auroient donné un nom propre , ils ne prendroient pas la peine de faire de nouveaux mots: ils fe ferviroienc des premiers noms en les changeant un peu pour marquer la dififé- rcnce des chofes auxquelles ils les appliqueroient. L'expérience me le perliiade : lorfque le mut propre ne vient pas afièz tôt à la bouche , on fe fert du nom d'une autre chofe qui a quelque rapport à celle-là. Dans toutes les Langues les noms des chofes à peu près femblables difkrent peu entre eux : Plufiearsr mots prennent leur racine d'un feul » comme on le voit dans les Diâionnaires des Langues qui font con- nues.
Un m£me mot peut fe diverfîfier en plufienrs ma- nières j par la tranfpoficion , par le retranchemen tde -quelqu'une des lettres qui le compofent ,.ou par l'ad- 4l(ion d une voyelle ou d une confonne s par le cban-*
ot PAEtER. Lîv, T. Chap. Vî, 4T
fement de la cerminaifon : de fone qu'il n*cft pas iffîcile , lorfqu'on communjc}ue le nom propre d'u- ne chofe à toates celles qui lui font femblables , de marquer par quelque petit changenenc , <;p que ces choUs ont de paniculTer ^ & en quoi elles differcoc de celles donc elles ont pris le nom. C*cft- à-dire qu'il n'eft pas difficile de leur donner des fignes partica- liers.
Après cet établilTement , les mots qu'ils aaroienc choifîs, & qui par eux-mêmes ne fignifioieot riea auroienc la force d exciter les idées des cfaofes aux* quelles ils Ie|auroient appliqués. Car les ayant pro* .nonces^ & entendu prononcer fouvenc lorfquc ces diofes leur étoient préfentes , les idées de ces cho- (es & de ces mots fe feroient liées : de (brte que l'u- ne ne pourroit pas être excitée fans l'autre. Comme quand nous avons vu fouvcot une pcrfonne avec ua certain habit , d'abord que nous penfons à elle , ïi^ dée de cet hallit fe préfencc à nous \ & la feule idée de cet habit fait que nous penfons à cette perfonne.
L'on ne peut favoir fi ces hommes garJerolenc quelque règle en cherchant des termes: pour s'ex* primer. S'ils ne compofcroient ces termes que d'utf certain nombre de fyllabes. La plupart des mots Chinois n'en ont qu'une. Les racines Hébraïques , & celles de la Langue Grecque n ont que trois con- fonnes. La nature porte à cette (implicite. Plus Itfdif. cours eft'court , plus il répond à l'ardeur que nous avons de dire vice ce que ntus penfons ; & il fatisfait en même-temps au deûr impatient qu^on a quand on écoute-, de favoir ce que veut dire ceW qui parle. J»otfque les Langues ont commencé à fe corrompre ^ les mots fe font pour Tordinaire allongés. Il ne fertde rien qu'un mot ait un plus grand nombre de fyllabes lorfque deux ou trois luffifcnt pour le faire diftiqgucr de tout autre moc.
^'il ctoit qûeftioa à préfenc de faire de nouveaux
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%% La'Rhïtoriqueou i'Art mots pour en compofer une nouvelle Langue, il ferok bon ci'obfctvcr quelques règles. La première dcvroit £tre de les compofer d'un très petit nombre de Tylla*- bcs, La fecondg , de choifir les fyllabes dont le foii auroît <^clque rapport avec la chore qu'on vou*' droit (îgnjficr ; car lorfqu on cherche up lîenc , il cft plus raifonnablç de Prendre des chofes qm femblenc faites pour cela : c'cil ce au on a fait pour ezprimei: le cri des animaux , on a dit , hare ^ hinnin y bala^ te , bçuglcr , hçnnir » bêler : ces termes ont un foq qui approche de celui qu'ils lignifient. La troifiemç rcgîc fcroit de faire que les mots euflcm une iiaifoa çnfêmble , fçlon que les chofes qu'ils flgnifieroient^. aurolent des liaifeps & des rapports. Il ne faudroic que les compofer de lettres qui euffent un fon ap- prochant, qu'il n'y eut emreux de différence que d'ime ou de deux lettres , ou que ce fuflcnt les mê- mes lettres i mais rangées d'une autre manière , com» me on en voit nluficurs exemples dans la Langue faifltc. Mais U eÛ inutile de donner ces règles , (i cç n'cft que cel? qovis fait comprendre en quoi peut confifter la fimplicicé & la beauté d'une Langue, JNous ne favons pas ce quq feroient ces nouveaux hommes. Apparemment ils ne philofopheroient pas beaucoup L'empreffement qu'ils auroient de parler feroit qu'ils fç fçrvirpient des prpmicrs termes qu; fe p;é fente roi en t , & quand un terme cft une fois éfaoli , on ne s'^vife guçrcs d'çn chçrchcr uq autre»
Chapitre VII.
Réfi^xlon fur la manière dont en chaque Langue om
Je fait des termes pour s'exprimer. Ces réflexions
conviennent à l'Art de parler
x\ Ous ne prétendons pas apprendre l'Art da (»4 %^ I d^ ^^t(^ ^culç uoupe de pouvçaux homfQÇf
-ùt PAALiR, Liv, I Chap. VIL 19 que nous avons incrodaits ici. Noos ne pouvons (^ voir que par conjedlure ce quils feraient. No^is Vcïohs ce que les hommes ont fait en tout pays de dans tous les fîccles , & il eft bon de le. coniiderer ; car il eft de la dernière importance , pour conuoître à fond la nature du langage , de remarquer les ma- nières de parler de chaque Nation. Bien des gens fe trompent en s*imaginant que la Rhétorique ne con- fiée que dans les ornemens du difcours ^ & que des f éâexions femblables à celles que nous allons faire, ne conviennent qu'aux Grammairiens. Ils jugent deTé*- toquence , comme ceux qui ignorant la peinture » penfent que le coloris en eft la principale chofe. Je ne m arrêterai pas à leurs jiigcmcns 5 & quoinue je B^aie pas deifein de- faire une Grammaire générale » je ferai cependant mes réflexions fur les manières qui font particulières à de certaines Langues, lorfquc Je croirai qu'il fera néceiTaire de le faire pour aé-_^ couvrir les fondcmms de l'ATt de parler.
Nous avons vu comme la nécdTiié auroît obligé notre nouvelle troupe d'établir des termes pour tou- tes les chofes dont il faut parler fouvent , mais il y a bien de l'apparence qoie leur Langue feroit d'abord fort ftérile. Comme \ts pauvres fe fervent d'un même babit pour tous les jours -, qu'ils n'ont pour meubles que ce. qu'il y a de plus fimple & de plus nécefTalre s audl ceux*, qui n'ont pas de grandes connoifTances » n'ont befoin pour s'exprimer que d'un petit nombre de termes, qui leur fervent à toutes chofes. Les pcrfonncs gro(Tieres ne réfléchiffent prefque point. Leurs vues , font bornées : ils ne peuvent parler que de ce qu'ils connoiffcnt , ils n'ont donc befoin que d'un petit nom» bre de mots. Ils n'ont pas affez de délîcatcffe pour dif- tingucr dans leschofesce qui met de la différence en- tr'eiles 5 c'eft pourquoi elles leur paroiffcnt fembla- bles ; ainfî les mêmes mots leur fervent pour toutes. Cela fe voit dans le Langage des Barbares qui vivent
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jo La Rhetorxqui, ou l'Ax t comme des bêtes , & qui ne penfeat qu'à boire & k manger. Ils n'ont des termes que pour marquer ces allions. Ceux qui ne connoifTent point les Simples, les legardcnvprefque tous comme fcmblables; & ces ter- nies généraux d* herbe , déplante, de finale , leui^fuf- fîfeot. Les Médecin! qui ont des idées diftinéles de cliaque Simple en particulier, n'ont pu s'en contenteri ils ont cherché des noms propres à chaque efpece.
Selon que les peuples ont donc fait plus d'ac- tencion aux chofes , leurs termes ont des idées plus tiiâinéles , & ils font en plus grand nombre. Une me- ihc chofe peut avoir plusieurs degrés. Elle fera danS fon efpece , une des plus grandes , ou une des plus
J>etites. Ceft pour exprimer ces degrés qu'on a fait es diminutifs ^ comme en Latin de homo on a fait homuncio. Les'Italiens onnln grand nombre de dimi- nutifs. Les Efpagnols ont des diminutifs & des noms qui augmentent. De âne nous faifons ânon : eux dft dfno fout afnillo un petit âne , & afna^o un grand /^ âne. On peut regarder une mêmPchofe , d'une ma» Jiiere générale , fans faire attention à ce qui la dif« tingue de toute autreT & s'en former ain(î une idée abftraite. Les noms qui marquent ces idées s appel- lent abftraits , comme ce mot humanité , qui mar- que l'homme confidéré en général , fans qu'on pen* fe à aucun homme en particulier. Tous les Langues ïi'ont pas également des dlminurlfs ou des augmen« tarifs , & de ces termes qu on nomme abftraiu. Il ne faut pas juger ^es Langues étrangères par la notre. Les uns peuvent obfervcr .ce que les autres négli- gent , voir une chofe par un endroit que nous n ap. percevions point. G*eft pourquoi en traduifant it n'efl pas pomble d'exprimer toujours mot pour moe ce qui efl dans loriginal 5 car chaque peuple conft- dere les chofes d'une n>aniere particulière , & comme il lui plaît : ce qu'il marque par un terme ^ pro- pre > qu'on ne peut par confé^uent expliquer qu^
©1 PARLï». XiV. /. Chap* VIL Jt -pat des circonlocutions & avec nn grand nombre d'ipichctcs. Pour éviter cela » on eft obligé de rece- voir des tenues étrangers $ comme nous*avons reça Yincognito des Italiens.
Il dépend de nous de comparer les chofes comme nous^oulons , ce qui fait cette grande différence qui cft entre les Lan)|aes qui ont une même origine. Cc que les Latins appcllei}ty^/zf/?m , les Efpagnols l'ap- pellent ventana , les Portugais janella. Nous nous fe^vons auflî de cc mot croijée pour marquer la mê- me chofe. Fentfira , vcntus ^janua , crux , font de» mots Lstîns. Le François , l'Êfpagnol^ le portugais Viennent du Latin *, mais les Efpagnols confîderant ' que les fenêtres donnent paifage aux vencs , ils le! appellent ventana de ventus. Les Portugais ayant -regardé les fenêtres comme de petites portes , ils les ^nc fpptWéts jandla de janua. Nos fenêtres étoknt autrefois partagées en quatre parties avec des croix de pierre : on les appclloit pour cela des croifêts , de <rux. Les Latins ont confideré que Tufage des fenê- tres eft de recevoir la lumière le mot feneftra vient -du grec ÇtUfOf ^ qui fîgnifie reluire. C*eft ainfi que le* différentes manières de voir les chofes portent à leut donner des noms différens.
' La facilité & la douceur de la prononciation de- mandent une grande abondance de termes pour choî- fir ceux dont le concours foit moins rude ; fans cela un petit nombre de termes fuffiroit , qu*on pourroit accroître ^ajoutant à quelques-uns de certaines fyU iabcs , pour faire , par exemple , d'un primitif, des : dérivés , ainfi que le font les Géorgiens , peuples de l'Afie. Tous4es noms dérivés , dans leur Langue, ne différent des primitifs que par cette terminaifoa janL SI cc font des noms de dignité , de charges , de quelquart-, les dérivés ajoutent aux primitifs mem Avec cette fyUabe/i , qu'ils mettent devant le nora •d'une -chofe, ils font un dérivé qui marque le I^eu it
B iv
54 LaRhetoriquBjOu l'Arî^
tances, mais parcequon les applique à dautref
fubflances, on en fait des adje^liSs , comme font ces
adjedifs, doré^ Argenté ^ étamé , Si les autres. Ao
contraire les adjectifs deviennent fubftancifs, lorf-
qu une manière d'être fc confidcrc d'une manière ab-
lolue. Ainfî Couleur eft un nom fubftanùf : & ces
iioms adjectifs blanc , noir , deviennent fubftantifs ^
quand on les confidere en général fans les fabflances
qui les fouciennent. Le blanc ^ le noir ^{om des fubf-
tantifs ; commç font en général tous les noms qui
ont une idée qu'on peut confiderer abfolument fans
rapport ; comm^le boire, le manger ^ le dormir. Les
^recs , les Latins, en quoi nous les imitons , font
leurs adjedifs du fubftantif , en changeant la termi-
naifon. Les Anglois font obligés de joindre au fubf-
'tantiftm fécond nom. AinfîFi^// quifîgnifie plein ^
leur fert à faire plufieurs adjeâirs : par exemple,
Joyfull y plein de joie , pour joyeux. Carefull^ plcia
' de foin , powv folliciui4 inquiet. Some Signifie quel'
que choji 3 Deligth , delehation 3 ils dslent deVigtk
jome , pour deleâàble : le mot lejfe fignjfie moins ^
^etit i ainfi Carelejfe c*efl: la même chofes que nègli^
gent, ^ . ^
Les noms fignificnt ordinairement les chofes , d a- <ie manière vague & générale. Les articles ^ dans les Langues ou ils (ont en ufage , comme dans la nôtre ^ . & daqsla Grecque , déterminent cette dgnification , & rappHqucnt a «ne chofc particulière. Quand on dit , c eft une boime chofe que d'être R«i ^ cette ex« preÏÏion eft vague, mais fi vous ajoutez l'article /ie^ devant Roi^ en difam , c'eft un bonheur que d'être le Roi , cette ezpreffion eA^ déterminée , & ne fe peuc entendre que du Roi de quelque peuple particulier dont on a déjà parlé. Ainiî les articles contribuent 'jnerveilleufement à la clarté du difcours > parce- qu*ils dcterniinent la juile idée qu*a ceJui qui parle» Audi la Langue Grecque Se notre langue font fasis
^; t) t ? A R 1 1 A. Z/V. /. Ciap, FIJI. jf 9bute les plus propres à traiter les fciences qui de- mandent plas oe pr^cifion. ' Les difrétentes manières de terminer un nom peu* Vent tenir lieu d*un autre nom. Nous voïons dans toutes les Langues que les nons ont deux terminai* fons p dont Tune fait connoître que la chofe donc on parle eft fineulîere » c'eft- à-dire , feule en nombre ; l'autre , qu'elle n'cfl pas feule , mais qu'elle fait par-i tie d'un nombre : ce qui fait dire que les noms ont deux nombres , te fingulier . & le pluriel. Ce mot, homme > avec la terminai fon du nombre fingullcr > marque un ûral homme; mais avec b terminai foa du Bombte pluriel , hommes , il fignifie tous ou plu- fieurs hommes. La confo^nt S , qu'on ajoute a la terminaîfon du nombre {higdier , tient lieu dans cette occafion de ce mot tous ou plufieurs. Ainfî le finealiet & le pluriel de$ noms fervent à abrçgcr la di(eours,&à le rendre diftinâ. Les Hébreux, les Grecs , & encore aujourd'hui les Polonoîs ont on troideme nombre , dans lequel le nom marque que U chofb qu'il ^^lifie eft double. - Nous ne côn£dérons pas toujours iinfiplement le$ dio(ès qui font les objets de nos penOées ; nous les Comparons avec d'autres % nous faifons rëâexion fut le lieu ou elles (ont , fur le temps de leur durée » fur te qu'elles ont , fur ce qu'elles n'ont pas , 8c fur tous les rapports enlîn qu'el^s peuvent avoir. Il faut dcd termes particuliers pour exprimer ces rapports dC la fuite & la liaifon de tontes les idées que la confidé- Vation de ces chofcs excite da»s notre efprit. Daus quelques Langues les différentes terminai fons d'ufl même nom , qui font que les chutes ou finales en Xbnt difiKrentes , fuppléent à ces mots qui font né- ccflaires pour exprimer les rapports d'une chofe. Le Grec , le Latin fe fen de ces terminaifoas différen- tes : norrc François & les Langues vulgaires , excep* xi\z Pûbflbife qui eft une &ûtiSt: de TEfclavon,
3^ La KntrorKiKtv ij 07 l'A&i/ nont poiac ces cerminaifons. Elles jnarqucnt lef rapports d'un nom , avec cips particules. Ces rap- ports font infinis. Les Latins les expriment avec uz chutes 3 on cas , auxquels ils ont donné les noms des rapports les plus ordyiaires. Ils ont, par exemple ^ appelle Nominatif \t nom confîdéré absolument fans nutre chute oue celle qu il a. Un nom au Nw^inatif marque fimplement que la chofe qu'il fignifie eft nommée : au Génitif, que cette CBofe engendre » ou eft engendrée. Ce font les Grammairiens qui ont donné ces noms aux différens cas,pour les diftinguer t mais ces cas ont d'autres ufagcs que cçux queiîgnK £ent ces noms de Génitif Se de Datif II y a fîx cas en chaque nombre , dans h {înguiier & dans le plu* riel. Lf Nominatif , U Génitif y lé Datif ^VAccufa* tify U Vocatif ii l'Ablatif Un même nom, outre ja principale idée de la chofe qu'il fignifîe , enferme un rapport particulier de cette chofe avec queU qu'autre , félon qu'il e(l ou au Génitif ou ^u Da* tif , &c. Le Nominatif ùgai&ç /implement lachc^fe; te Génitif, {on rapport avec celle à qui elle appatr tient ». P^atium Régis 5 le Datif, le rapport qu'elle a avec celle qui lui eft profitable ou nuifible , uiUi^ reipublica j; l Accufatif^ le rapport qu'elle a avec Celle^uiagit fur elle, Cefar vicit Pompeium, On mef le nom au Vocatif, lonqu'on adreffe fon difcours A la personne , ou à la dhofe que ce nom figdifie $ V Ablatif a une inilnicé d'ufâges. Il eft impowble de les marquer tous.
Les Langues dont les noms. ne fotifireDt point cts chûtes différentes * fe fervent de certains petits nK)ts qu'on appelle Particules, qui font le même effer que ces chuces , comme font en notre Langue , de , du y à y par y k , leSy aux , des , &c. Les Adverbes auffi ont un ufage peu différent de la chike des Bomii car ils emportent avec eux la force d'une de ces parti* cules. Cet Adverbe fageipent a la force de ces deii: jttots , siiic fagejfc.
%t VAKtsR. 2iV. T. Chap. V7II. }i ' lek jfdverbes font ainii appelles par les Graïu- ftiairiens , parcequ'ordînairemcnc on les joint avec «a Verbe , comme courir vite : parUr /agement , par* Ur lentement Ils tiennent lieu d'un nom, ic d'une particule qui marque un certain rapport % c*cft pour- i|uoi dans les Langues oui ont des ca^ il n'cd pas né« cefTaire que les Adverbes en aient , parceque par eux-mêmes , (ans ch&te , ils figoifîent la cho(e & ion rapport : par exemple, parler lentement. Dans tou- tes les Langues les Adverbes font d'un très grand nfa« ^e. Ce font de petits mots qui ne (è déclinent point » 2c qui tiennent lieu de pluuturs paroles : comme en Latin ces Adverbes de temps , diùy cras ; nuper , du- ^um ; ceux-ci de lieu, hîc , intus , forts 'y de quanti* ti y yaldè » fatis ^ perquâm. Les difTérents rapports que les chofes ont enrr*eTles » de lieu > de fituation ^ de mouvement , de repos , de diflance » d'oppofition »* de comparaifon , font infinis. On ne peut parier un moment fans avoir befoiu d'en exprimer quelqu'im à 1 oc'caGoQ des choses dont on parle. Nous ne pou- vons donc pas douter que ces bommes, que nous fai- fous trouver de compagnie , n'invéataucot bién^ât des moïens de marquer ces rapports , ou particules > comme dans notre Langue dont les noms n'ont point ces chutes différentes ; ou par les différentes termî- naifons des noms des chofes mêmes > comme dans la Langtic Grecque , dans la Latine.
lis invcnteroicnr des Adverbes : ,c*efl-à-dîrc ce» ^e^ts mots qui par eux-mêmes marquent des cir-*^ confiances » qu'autrement on ne poiinoit fignifiet quen ptufîeurs paroles: aufC les Adverbes donnent èeaucoiip de force au difcours en , l'abrégeant. Les Latins, les ôrecs pour cela fi>nt prefque <fes Adver- bes de tous leurs noms , par uot terminarfbn quitecur cftptowe* aînfî âcjuflus^ lés Latins font /w/?^, con>* jne deyi^^nous fàifons juftement. Notre lan£oe,qai ne veut paiétre fi ferrée > ne iaii pas tan&d'UUge de^
Adverbes. Elle aime mieux mettre le nom avec l4 prcpodcion ; ainfi en François on dit plus éJégam* m en: avecfagejfe , avec prudcnct ^ avec orgueil y av^c me aération , i\ucfag€ment , prudemment , orgueilleux Je ment , modtflement. C'cft, comme je le crois , par- ceque la tcrminalfon des Adverbes dans notre lan^ gtfe les allonge trop , ain(î on ne gagne rien. Outre que U Ton de cette terminaifon ment , oïdinaire aux Advcibes , n'eft pas. agréabie< Aujourd'hui on la change ; car au lieu de parler juftement , parler rai^ fcnnahlement , on dit parler jufle ^ parler raifon ^ rocccant le nom au lieu de l'Adverbe. Les Hébreux ^ n'ont point de terminaifons comme les Grecs & les Latins , mais auflî ils ont et qui n*cft point dans ct% Langues ; favoir des affixes i c'eft à dite , cenaînes terminaiCbns qui tiennent lieu de pronoms , ce qui dbre^e & rend le difcours plus net \ ainfî Thalmidi ^ fignifie mon difciple » Se Thalmido foa difclple*
Chapitre IX.
2)es Verhes , de leurs perfonnes ^ de leurs temps j dt leurs modes / de leurs voix a&ives & pafjives*
S. I nous laifons attention à ce qui fe pafle dans norre eTprit , nous remarquerons que Ton confide- rc rarement les cliofcs fans eu iaire quelque juge- incnt. Apres que ces nouveaux homlnes auro||eoc trouvé des mots pour ^nitier les çbjas de leurs perceptions , ils cherchc^oient donc des termes pour «Darquer leurs jugcmens ; c'etl-^à-dire , cette adioa de refprit par la(|uelle on juge , eii afHirant qu une cfaofe cft telle, ou quelle ncfi pas telle. La partie du di fcours *qai exprime un jugement , s'appelle frQpoJïnon, Or une pxopofitioo en ferme- aé^e (Taire- xneat^ dcjx terme > , Tun afpcllé ù^t qui eft celiù
. 1^\i AKttu. Liv. T. CAdp,lT Tï
«ont 00 afHrme ; le fécond qai^ft ce qui c(l affirmé ^ fc nomme l'attribut ; comme dans cette propo- £cion : Dieu efljufîe ; Dieu cft le fujct ijuftc qui eft le (ècand terme eft appelle actrîbnt, qui eft ce qu'on affirme , ou ce qu'on lui atttibue. Outre cela une proportion eft compofée d'un troifîeme moc qui lie le fmet avec lattribut , qui marque cette aflion. de Tetpric par laquelle il juge, affirmant lac- tribut du fujer. Dans toutes nos Langues nous appel* loos Verbes , les mots qui marquent cette aâion. Les Verbes , comme T Auteur de la -Grammaire g*- pérale & raifonnëe l'a judicieufemcnt remarqué , font des mors qui fignifîent Taffirroatioa.
Un feul moc fuffiroic pour marquer toutes les opérations femblables de notre entendement, tel queft ce Verbe Etre, j qui eft le figne naturel & or« dinaire de Taffirmacion » mais fi nous jugeons de ces Aouveauz hommes par ceux qui onc vécu dans tous les ficelés paifês , le defir d*abreger leurs difcours }es porteroit fans doute à donner a un même mot la force deâgnifier Taffirmation 9i l'attribut , comme Ton a fait dans prefquè toutes les Langues , qui ont nne infinité de mots qui marquent l'affirmation & ce qui eft affirmé s par eiemple , celui-ci je TiSy marque une affirmation , & en même- temps raâioii que je bas loxfque je lis. Ces mots , comme nous fvons dit, font appelles Verbes. Quand on leur ôte la force de fignjfier l'affirmation , ils rentrent daits ja nature des noms ; auffi on en a fait le même udge^ comme quand, on dit leboirt , le manger ^ ces mots font de véritables noms.
La répétition trop fréquente des mêmes noms eft .dé£igréabie & choouaute ; cependant on eft oblige ,àc parler foaveat djÇS mêmes cbofes* On « donc établi de petits mots pour tenir la place de ces noms [u'il faadroit répéter trop fouvcnc. Ces petits mots ont pour cela appelles Prénoms. Où compte uoj|
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SJd La RHEfoRi^uc^ ou t*ÀiT- Pronoms ; le pronom de la prcmlcre pcrfonne tient lieu du nom de celui qui parle , comme Moi , je» Le Pronom de la féconde perfonne tient lieu de ccUq à qui Ton parle, comme Tu, Toi, Celui de latroi- iîcme perfonne tient lieu de la perfonne ou de la cho« fe dont on parle , comme //, ÈIU. Ces pronoms ont deux nombres , comme les noms ; le Pronom delà
Sremîere perfonne aa pluriel tient la place des nom9 eceux qui parlent ; comme Nous, Celui de la fe- conde perfonne au pluriel tient la place des noms do ceux àquiT>n parle , comme Vous : & le Pronom'de la troilieme perfonne au pluriel tient la place des noms des perfonnes & des chofes dont on parle , lU, Elles. ^
Pour éviter encore la répétition ennuieufe de ces Pronoms qui reviennent fouvent » dans les anciennes Langaes on ajoute aux Verbes quelque terminaif«a oui tient lieu de ces Pronoms. C*eft pourquoi uir leul Verbe peut faire une propofition entière. Ce Verbe verbero comprend le lens de cette propofitip/i JSgofum Vcrbcrans. Outre ou'il marque l'aflirmation & la cfaofè affirmée > il fîgnine encore la perfonne qui frappe , qui eft celle qui parle d'elle- même -, parceque ce verbe a une terminaifon qui tient lieu du Pronom de la première perfonne.
Toutes les Langues ont été très (impies dans leur xommencement* Ceft le detîr d*abreger qui a fak que de deux ou pludeurs nKïts on n'en a fait quW. Il y a de l'apparence qu*en Hébreu on a dit d abord fakadatà^ comme nous difbns : tuas vifiU ^ d'od en fuite on a f dit pakadta, comme pakadù^àïitpa^ iadani j'ai vîfité. ,
Notre Langue & les Langues des Nations voifines font •bligécs d exprimer a part les Pronoms. Les Hébreux ont cet avantage pardeffus la Langue Grec- ique & la Latine > que non-(èulemeiit leurs Verbes fnaïqueot par leur teimlaaifoa le pronom qui en dk
De Ppa r 1 1 h. Liv, /. Ciap. IX. ' 4t le nominatif, maïs encore celui qui en eft le cas. AinCi pekado (ignifie ilU viptavit eum. Comme il n'y a point de noms qui reviennent fî (buvent que lespro- noms> les Hébreux donneot pareillement à leurs noms une terminaifon qui en tient lieu. Ain(i ThalmidCxffà* fiant dijciple ; Thalmidi (ignifie mon difciple.
Ce que I on affure du lujci d'une propontion eft ou pa(Té , ou préfcnt, ou nitur. Les différentes in-* flexions des Verbes ont la force de marquer la cir-« confiance du temps de la chofe qui td affirmée.' Les circonftances du temps font en grand nombre. Oa peut confidérer le temps paffé par rappon au prê- tent ^ comm» lorfque nous difons : Je lifois lorfqu'd entra dans ma chambre. L'aélion de.rna leâure eft pâmée , au regard^ du temps auquel }e parle > mais je la marque préfente au regard de la chofe dont je parle, qui efl l'entrée d'un tel. On peut confidérec ie temps pafTé par rapport à un antre temps pafTé. J'avoisjoupé torjquil eft entré , ces deux avions font pafTëcs lune au regard de l'autre. Nous pou- vons conûdcrer le temps paffé en deux manières » ou comme défini , ou comme indéfini ; marquer précifément , quand une a6Hon s'cft faite , ou dire £mplemcnt qu elle s'cfl faite ; s'il y a quelque temps » ou fi c'eft aujourd'hui , ce que nous diftinguons. Pierre eft venu chei moi, il m' a parlé, neft pas la ihéme chofe que Pierre vint che^moi , il me parla. Ces dernières expreffions marquent qu'on parle d'un temps pafTé qu'on ne définit point. Les premières dé« finilfcnt ce temps , & donnent à entendre qu'on par4 le d'un temps pafTé depuis quelques heures , ou de- puis un jour. Nous pouvons confidérer le futur en la même manière j cnvifageant un terme précis & défini dans le futur, de quelquefois n*y mettant aucunes bornes.
' Nous ne pouvons favoir Ci danr cette nouvelle Langue , dont nous parlons , toutes ces différente^
'^1 L A R H 1 T O R 1 Q U 1 , ou l'/ It T.
cîrconftanccs des temps y fcroient marquées par an* tant d'inflexions paniculicrcs ; car nous ifc voïon$ pas que les peuples aient didingué avec la même czadlicude toutes ces cîrconftanccs du temps. Les Verbes chez les Hébreux n*ont que deux temps, le pctérit ou le pafle , & le futur ; ils n*ont que deux inflexion» diflerentes pour exprimer la diverlité du temps. Les Grecs font plus ezaéî^s , leurs \^rbes ont tous les temps dont nous avons parlé. Je ne doutt point que les termes de ce nouveau Langage ne por- taflTent an moins les (îenes de quelqu'une de ces cir* conftances, puifque dans toute proportion il faut déterminer le temps de l'attribut, &«que le défit d'abréger le difcours cft naturel à tous les hommes. Quand je dis j'aimerai , Tinflexion du temps futut que je donne à ce Veibe aimer y me délivre delà peine de dire cette longue phrafc : il arrivera un tems que je ferai aimant. Quand ie dis : j'ai aimé y- cctre inflexion du prétérit m'épargne ce grand nom- bre de paroles y il a été un temps paffe que j* étais ai- mant.
Les Verbes ont des modes ; c'cft-à-dire , qu*ils (î* gnificnt, outre les cirConftances du temps, les ma-» nieres de Taffirmation. Le premier mode eft l'IndU catif ^ qui démontre & indique fîmplement ce que Ton allure^ Le fécond mode cft t impératif ^ dont le nom marque l'office, quieftde faire connoître que Ton ordonne à celui à qui l'on parle , de faire une telle chofe. Le troificme eft r Optatif \i\m ne C5 trouve que chez les Grecs : celui-là exprime le de- {\t ardent qu'on a qu'une chofe arrive. Le quatrie^- me mode eft le SuhjonBif^ ainlî nommé , parcequ*il y a toujours quelque condition jointe à ce que Toa affurc 'y je V aimerais, s'il m'aimait : (i cette condition n'étoit exprimée par le Subjopdîf , le fens feroit fufpendu.Le cinquième mode eft r Infinitif Uû Yerbe dans ce mode a une fignificatioa fort étendue
Bî ?AKiilt. Llv. I. Chap. IX. 4) Se fort iudécerminée , comme hoire , marger , //rc tf imé , ctrefravpé. Nous verrons dans la fuite que les Infinitifs ont la force de lier deux proposions , 3c que c*cft leur principal ufag&.
Le fîqcieme mode eft le Panîdpi. Un Verbe dans le panicipe ne marque que la chofe affirmée , il ne ^^nifie point Taffirmation. Ceft pourquoi les parti* cipc^ font ainfi appelles , parceoU'ils tiennent da verbe & du nom , fignifiant la cnofe que le verbe affirme , & étant en même temps dépouillés de Taf- < firn^ation. Le participe yrtf/'/?^', maroue la chofe que fîgnifie le Verbe frapper : mais qui àii frappé ^ n af- ^rme rien , s'il n'ajoute ou ne fous-entcnd il eft^ ou il a été frappé, <'
Tous les Verbes, excepté les Verbe Etrc^ Sum^ es y tft , renferment deux idées, celle de l'affirma- tion , & de quelque adion affirmée. Or une aâion % ordinairement deux termes \ Je premier » celui donc elle part > le fécond , celui qui la reçoit. Dans une aâjon on confidere celui qui en eft auteur , qviagit , & celui fur lequel on agit, qu'on appelle commune^ ment le Patient. If eft ^éceflàire de déterminer quel eft le terme de Taûion dont on parle : fi le fujet dé la propofition dont on affirme cette aâion eft agi& ftnt. ou patient. C'eft pourquoi dans les Langues aii« ciennes les verbes ont deux terminaifons & inflexions différentes qui marquent fi le verbe fe prend dans une fignification aéUve ou paffive. Petrus amat , 8c Petrus amatur : Pierre aime» ëc Pierre eft aimé. Dans la première propofition le verbe qui eft à Tac-- tif , marque que c*eft Pierre qui â de l'amour s dans le fécond y ce même verbe avec l'inflexion du paffif , marque que c'eft Pierre qui eft le terme de raffi:âioil dont on parle.
Il fe pourroit donc faire que les verbes de la nou* velle Langue auroient auffi deux inflexions, une ac« rive, & l'autre paffive. Peut-être qu'on y néglige?
44 Ia RM it o II XQUi, 00 L'A*t loit de comprendre dans un fcul verbe pluficurs au^ très circonilances dhine aâion : Si elle a été faite avec diligence , fî l'auteur de cette aâlon agit fur lui-même , s'il l'a fait faire par quelqu'autre 5 ce que les Hébreux (îgnifi(nt par leurs verbes , fdon le* in- flexions qu'ils leur donnent. Ils ont huit conjugal-^ fons où leurs verbes ont différentes iignjfications ) car ce n'ed pas comme chez les Grecs & les Laclns , dont les diftérences conjugaîfons u*ont aucune force particulière > & qui ne conjuguent les verbes diffé- lemment , que narcequ'on ne pourroit pas leur don- ner à tous les mêmes inflexions fsibs en rendre la pro- nonciation difficile. Le même'vetbe Hcbrcux , (clon la conjugaifon ou il e(l , a fepc ou huit f gnifications différentes. Par exemple y ce verbe Hébreux majar , tradere, félon qu on le conjugue, fîguifîe, i. TradU dit. 1. Tradîtus efl. j. Tradiait dUigenter, 4. TradU tus eft dUigenter, La cinquième conjugaifon répond à ce quon appelle le médium chez les Grecs , od le verbe a une fignification aûive & paffivc. 6, Fecit .tradere, 7. Faftus eft vel jujffiis eft tradere. 8. Tra^' didit fe îpfum. Il y a cent m^ieres de s'exprimer qui ne font pas effentielles > & qui font particulières à certaines Langues. Je ne puis pas {avoir fi no^e nouvelle troupe les négligeroit , & fe contenteroic de celles qui font effentielles , & fans lefquelles on ne peut fe faire entendre.
Nous voïons tant de différence parmi les Nations en cela , que nous ne pouvons favoir à quoi ils fe ^ détermineroient , fî ce n'eft qu étant encore fans doc- trine , il y a de l'apparence qu'ils prcndroicnt les manières de s'exprimer les plus fimptes & les plus faciles. Les Turcs ont cela de particulier , que par finfertion de quelques lettres , ils multiplient leurs conjugal fons, des verbesj & leur donrvent plus de force que ne font pas même les Hébreux. Le même .verbe , félon la .conjugaifon od il eft, marque Taf**
»t PAULBR. Ziv. 7. CAtt;?. ÎX. 4f £rlnatlon on la négadon , la podîbilité en rimpof- iibilicé de l'aâion qu il iignifie. Les Perfans ont avec l'Impératif un autre mode qui défend ^ comme 11 m- pcratif commande. Les Arabes ont.au (G une c6nju<* gaifon qui marque le rapport de deux perfonnes qui agi/Tcnt cnfctnblc.
Ces différentes conjugal fons , & tous ces modes abrègent le difcours. Les Grecs & les Latins n'onc point tant de conjugaifons que les Orientaux î mais audi par le moïen des prépo(îtions ou* ils lient avec les verbes , ils expriment une infinité de rapports de l'aâion ou de la pailion que peut fignifîer un verbe y comme àzfcribo ils font ces verbes, adfctibo , circum^ fçriJbo , dejcribo , exfcriho^ injcribo , interfcnbo^per" fcribo , tranfcribo , qui marquent nettement des rap- ports particuliers de l'aétion quefignifie/cW^a, avec les verbes (împtes. Nous avons pris de la Langue La- tine les verbes compofés. Nous difons , écrire y récrî" ri, circonfcrirt , décrire , infcrire ^ pref$rire ^ tranf^ crire.
Notre particule re eft d'un grand nfage pour la eompoficion des verbes. Quelquefois elle ne change rien en leur (ignification \ repaître (îgnifie la même chofè que paître, £lle donne quelquefois plus de for- ce : reluire^ ditjplus que luire ^ Souvent elle marque une adlîon qui (c fait une féconde fois \ recoriauérir., c*e(l conquérir de nouveau. Elle .donne aum d*au<^ trefois un fens tout contraire à celui du verbe fîm'- pie 5 réprouver a un fens tout autre que prouver. Les Grecs , qui ont un plus grand nombre de femblablcs particules ou prépofitions , (ont encore plus féconds que les Latins. On le voit dans les Dictionnaires Grecs qui font par racines. D'un même verbe on en &it une infinité d'autres. Les Hébreux n'onç point de verbes compofés : ils ne joignent point à leurs "verbes y ainfi que le font les Grecs & les Latins, de$ . Iftépofiçioos donc Iç nombre ^ft petit en çcttçLan-
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4^ La Rhétorique, oui*ARt* gue. Au(&«il s*y trouve roavenc des anibîgait^s # grecque les prépofltîons décerminenc précilémênc es rapports de ce qu'on juge , de ce qu'on affirme , & le^manieres dpnt on juge , on aiTure , ou on nie. Chaque Langue a fes avantaees. Les Latins avec leurs G/ra/zJ//rmarquent la neceflîté d'une adlon. A manda virtus eft la même chofe que neceffarium tjl s ou. oporttt amare vinutem. Leur Supin marque l'intention de faire une aâion. Eo lufum, je vais dans l'intention de jouer. Ces difFiirentes manières de s*ex« primer, qui foSt toutes belles. & ineénieures, font des preuves Leniîbles de la fécondité de L'efprit humain , de fa fpiritualité & de fa liberté Les oifeaux d'une même efpecc n'ont pas un chant différent » & toutes ces diiFérentes Nations , ont une Langue di£Férente , non -feulement dans les termes > mais dans les manie*» res de s'exprimer.
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Chapitre X.
Ce grand nomhre de déclinaifons des noms , & de conjugaifons des verbes nefl point ahfolument «<- cejjaire. Propofition d'une nouvelle Langue, dont la Grammaire fe pourrait apprendra en moins d'une heure.
1 l'Ardeur qu'ont les hommes de s'exprimer d'une manière prompte & facile, leur a fait introduire dans, le langage cette grande diverCté de déclinai- Tons des noms , 6c cette multitude de différente» conjugaifons. Ils ont voulu qu'unirvême mot mar- quât pluficurs chofes. Ils ont eu auflî égard à la fa* cilité & à la douceur de la prononciation , ce qui a caufé dans les langues une infinité de chofes dont on pourroit fc pafler , s'il n'étoît queftion que de dire ce qu'on peufe. Les noms & les verbes ne peu«
D E *F A R L E R. Llv. I. Chdp. X. 47
Vent pas être tous compofés de mêmes lettres. Or les mots qui ont des lettres difKreotes , ne peuvent TottfFrir fans violence les mêmes chûtes 8c les mê- mes inflexions. Ceft pourquoi dans la Langue Lati- ne & dans la Grecque , où les noms ont différentes chutes ou cas , il y a plaideurs manières de décimer. Il y a aufU une gtande multiplicité de conjugal* fons des verbes , que la feule douceur de la pronon- dation rend néceUaires: car elles ne marquent aucune circonftance particulière de Taé^ion que le verbe affirme. On peut compter trente- fixdifrérentes con- jugaifons dans la Grammaire Hébraïque. Il y a * treize conjugaifons des verbes réguliers chez les ISrecs y dont chacune a trois voix , l'adUve , la paf- ûté y 8l «elle qu'on appelle le médium. Les verbes qu'on nomme anomaux ou irréguliers ont tant d'in- flexions particulières , qu à peine les Grammairiens Us peuveot^ils nommer ^ il en eftde même de la Lan- gue Latine, & de g^uiieurs autres Langues. Ceft ce quigroffit les Grammaires de ces Langues y &en rend l'étude difficile.
Nous ne pouvons pas favoir ^ comme j'ai déjà dit , fi ces nouveaux nommes ne fe feroient point une manière de parler moins délicate , mais plus fimple. Les Tartares Moneuls ou Mogois nont qu'une conjugaifon : tous leurs -verbes n'ont que acux temps ; lavoir , le paffé & l'avenir, quils dif- cinguent par deux particules. Ba eft la marque du paffé, & Afou , celle du futur. La marque de l'infinitif cil Kou ^ c'eft auffi celle du gérondif. La marque de l'impératif eft B. Celle du participe adjedif eft Gi, Les premières , fécondes & troificmes perfonnes pluriels & fingulieres des verbes ne font point marquées par des inflexions particulières *, on joint pour les diftinguer les pronoms avec le verbe. Les nomsai'cnt point d'autre changement dans leur dé- clinalfon q^ue celui qui marque la diffîrcnce du fia-
4S La Rheto bique, ou L'^Aiir
gulier au plu i ici. Mouri, un cheval, Mourit les chtf^ vaux. Les comparatifs fe formeoc en ajoutant la particule Toutta ^ qui fignifiei^/ux. h^^MUn^ le Tien y s^exprime de la £brte , Mourini , ou Mamû mouri , mon cheval. Nanal mouri , ton cheval» Tenai mouri , Ton cheviiL Les noms des ouvriers le terminent en G/. Les diminutifs fe forment en ajoutant Gâ/x«. Mouri, nncïi&yzï. MouriganCyUfk petit cheval.
L'on peut apprendre toute cette Grammaire ea moins d*une heure. On a propofê quelquefois de faire une nouvelle Langue , qui pouvant être apprifc en peu de tems , devînt commune à tous les peuples ^ du monde , ce qui feroit très utile pour le commet ce. Pour faire cette Langue, ilnefaudroit{)ointéiâ-' blir d'autre Grammaire que celle de la Langue des ' Tartares : audi , avant que d*avoir vu une Relation de cette Langue dans le Recueil des Relations cu- rieufes que Moniîeur Thevcnot a fait imprimer , en parlant de cette propofition d'une nouvelle Lan- gue ; voici ce que j'en avois dit dans la premicrç édition de cet Ouvrage. »3 On a quelquefois propofé M de faire une nouvelle Langue , qui pouvant être » apprifeen peu de remps, devint commune à toute a» la terre. Je conjecture que le deflcin de ceux qui •3 faifoient cetre proportion , contidoit à faire que »5 cette Langue n*cût qu'un petîc nombre de mots. lis M auroieni marqué chaque chofe par un feul tcrmcj >9 & anroient fait que ce fcul terme , avec quelque 9> petit changement , eût pu fîgnifier toutes les au- 9> treschofes qui fe rapportent à celles là. Ils au* 73 roient fait tous les noms indéclinables , marquant >5 leurs diiférçns cas par des particules ; & les c^ eux >3 genres , le mafcuUn 6c le féminin , par deux terrai- « naifons. Ils n'auroicnt fait que deux conjugal*" »» fons, l'une pour l'adif , .& l'autre pour lepaflif : » encore cfiaque temps n a\voient point eu ces diffé»
rendes
»£ fARLER. LU\ I. Chap, X^ 4f «» rentes cerminàifon , qui ciennenc lieu de pro. •i noms : de force que toute ia gtammaire de cette 9» Langue fe pourrait apprendre en très peu de •9 temps, n
La Langue qu'on appelle le Frane , eft à pçu'^prés femblable pour la Grammaire. £lle s'apprend ai- fément, & s'entend dans tous les côtes de la Mer mcdicérannée. Elle ne contifle que dans un petit nombre de roots Italiens, François, dufa- ge dans le commerce. Ces roots n'ont i>i genre, ni nombre, ni cas» ni déclinaifons , ni conjugailons , ni fyntaze.
K II y a autant de (implicite dans la Gcan^maire Chinoife , félon que Walcon le rapporte après AI- varcx Scmcdo. Les Chinois n'ont que trois cens vingt-ûx mots , prefque cous d'une fyllabe. Ils qpc cinq^tons difFérens. félon lefqucls un même moc {îgnifie cinq chofes difFéreoces ; ain(î la divciûii des cinq tons fait que leurs 52^ u^onofyllabe» fervent autant que cinq fois 31^. mots, c'cft-à- dire 1650. Wahon dit néanmoins qu'on ne compte en toute la Langue que iitS vocables 5 c'cltà- dire , noms qui didingués par leurs lettre^; ou pa< leurs tons, aient des (îgnifications difFcrcntcs. Comme ils n'ont pas l'ulagc des lettres , chaque nom a fon caradere : ainfî autant de noms , aucanc decaradcrcs, «ion t on fait monter le nombre juf- qucs à ixooo. Quand les Pères Jéfuices allèrent prêcher à la Chine , & qu'ils en eurent appris la; Langue, ils trouvèrent bien -tôt le. raaïcn d'ca écrire tous les noms avec les lettres de notre ai* phabet. Ainfî ils fc délivrèrent de l'embarras de tant de caradleres , ce qui furprit les Chinois. Poni» les cinq tons j félon lesquels un même moc a cinq fignificacions différentes , ils Ic$ difliagiijenc pac CCS cinq notes '^ - \/w^ ^'^^^ |ç monofyllaùe 1"^, iklon Qu'il eft notl de Tune de ces çinf^! {)^^c« ^ j|
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50 LaRhetoriqui, ou l'Art cinq dîftercntes fignificarions. Kd Dcus ,yâ munis ^ y à excellens , ydfiupor ^yà anfex- H n*y a gucrç que ceuï db pats qui puiflent prononcer diftinôement ces diff^rcns tons.
Les Chinois n'ont ni genre , m cas « ni déclinais fons. Les mbts (îgniflent félon qc'ils font placés» De dcuK mots mis cnfcmble, celui qui cft Je pre- mier ç(l regardé comme adjcàif, ainfi aurum do^ mus ; c*cft j aurea domus ; & homo bonus , c'cft , ho-* minis bonitas[\ '
Les mots ont auffi la force du verbe, fclon qu'ils font placés f un nom qui fîgnifîe uneaftion^ tient lieu du verbe quand il cft fuivi d'un autre nom , comme fi l'on difoit ego amor tu , pour dire £gO amo te,
i.e pluriel fe didingue par une feule particule qu'il n'eft pas permis d'ajouter à un nom lorfque dans le difcours il paroit d'ailleurs qu'on parle de pltrfieurs; Ces peuples n'ont point de conjugaifons ^ ils ajoutent des pronoms nux noms qui tiennent lieu de verbe j ils y joignent U marque du pluriel quand ils parlent de plufîeurs perfonncs. Le prc- lënt , le prétérit & le futur j les modes, comme rim* pératif , l'optatif, &c, fe marquent par des pa'rtir cules. Le paffif fe marque aulH par une particule > & quelquefois par la feule place que tient un nom s les noms fervent aufïî de prépofitiôn. Ainfi il n*eft pas difficile de comprendre comment les Chinois peuvent avec un aoffi petit nombre de termes s'expli- quer fur toutes chofes \ car les Grecs, dont la Langue cft Çi féconde, n'ont gueres plus dp deux mille racines. - C'eft une queftion ,"5 l'abondance des mots eft ime chofc avantagcufe ? A quoi ferr , dit le Perc Thomartîn dans la préface de fon Gloffairç , d'avoir mille noms pour fignificr une épée,'& quatre- vingt pour un Lion , comme ont les Arabes ? Mais V jne reinblètju^ Y^ht)f^ztiÇ& ijaxis fine Langue ^ au4i
T>fi PARLER. Lh, L Chap, St. jf btea qu'entoure autre cbofe, eft uu bien. Car en premier lieu il cil certain que les chofes de mcme cfpece , de même genre , peuvent avoir une difFé- f ence qui Icar eft propre 5 Veau , Taureau , f^ach^ , £aufy font les noms d'une cfpece d*animal -, mais cependant ces quatre noms marquent quatre cho- ies fort difFircntes. Selon qu'on conHdere de plus prés les chofes , & qnon en fait difFérens ufagcs , on coanolt mieux les différences , qu'on ne pciic exprimer que par dîf^érens noms. Ainfi les mcmcs Arabes qui fe fervent beaucoup de chameaux « leur donnent plus de trente difrcrens noms , q*û ^lidingucnt les difFérens état^'un chameau. Toif- qu'il eCldans le ventre de la mère , qtiand il e(l néj & qu'il tête, (î c*eft un mâle, C\ c'eft un premier né, lorfqu'il commence à marcher, quand il eft fcvré , lorfcju'il fe met à genoux pour recevoir fa charge, & félon d'autres particularités fcmbla- blés. Cette grande abondance de termes qu'on a dans la Marine pour s'expliquer, eft- elle înntile ? Et comment fe pourrait faire la manœuvre d'un vaiffeau , fi chaque manœuvre n'avoir fon nom » C'eft une nécedicé d'avoir des termes difFérens pour exprimer des chofes différentes. Ce qui diftinguc mieux U différence des chofes qui font trouver tant de difïïrens termes , c'eft la délîcatçfTe du génie de chaque Nation. Les Arts , en fe fervant a un plus grand nombre de difFérens inftrumens , ont beioia o'an plus grand nombre de difFérens termes. Auflî les peuples qui \t$ cultivent ont une plus grande abon- dance de termes. '
Mai^ on réplique , à quoi bon tant de fynonvmcs ou termes qui ncdifcnt que la même chofe ? Cette multitude de mots d'une même figaifî cation , que quelques Langues fc vantent d'avoir, en marque plu- tôt , dit on , la pauvreté^quc l'opulence i car elles ft^aatoleot point tant de divers mots pour dire une
Ci)
ft La Rhétorique, ou l'Art même cliofe, ii elles avoienc le nioc propre poar Ii (igniflcr. Je ^ponds eu premier lieu , qu'une Langue eu véritablement pauvre quand clic ne fournit pas des termes propres pour s'expliquer, à ceux qui écrivent en cecce Langue. En Lecond lieu je dis que fi on n'avoir pciutde lynonymes, on ne pourroic pas rendre un'difcours poli Se coulant ; car il y a des mots qui ne peuvent fe joindre ensemble, fans en troubler la douceur. Il Faut donc avoir à choifîr entre des termes fynony mes ceux qui s'accommodent mieux. Mn troificme lieu , il n y a rien de Ci çnnuïeux qua d'entendre trop fouvcnt les mcmes termes , s'ils font remarquables. La variété dans le difcours fait qu'on ne s'appçrçoic jlfcfque pas qu'on entend parler j on croit voir les chofcs mêmes. Quand cela arrive , un difcours ctt paifait y comme la pcrfcélion de la piinture , c'cft qu'on la prenne pour les cliôfes mc^ mes qui font peintes. Or la variété dépend de la fé- condité d*unc Langue,
CPA.PXTKE XL
Comment Von peut epçprlmer toutes les opérations dit notre efprit , & les pajjions ou ^ffe&ions 4^ notre vqlonté,
Ne
I Ous avons vp comment fe marquent les jdeux premicr):s opérations de l'efpric j nos perccpciom ou nos idées j & les jugemens que nous faiions de ca que npus avons apperçu. Voïons de quelle manière nous pouvons cjprjmçr la troifiemç opération , qui crt le n^ifonnement, Noi;s raifonnou^ , lorfque d'une ou de deux proppfîtions claires 6ç évidentes , nous concluons la vérité ,pu la faulTcté d'une tioi(îcme proportion obfcure & çogteflée. Comme (i pouc mpnprcr cjuç Milçn ef^ innpcçnt , {^qu$ difiop^ ;
©ï pARtiR. Z/V. 7. CAtfp. XI. jj îl éfl: permis de rcpoufTer la force par la force ; Milon , en tuant Ciodius , n*a fait que repouHer la force par la force j donc , Milou a pu cucr Cio- dius. Le raisonnement n*eft cjuunc extenfîon de la féconde opération , & un enchaînement de deux ou de plttfieors proportions. Aind il efl évtdenc que nous n'avons befoin que de quelques petits mots pour marquer cet enchaînement , comme font les particules , donc , enfin , car , partant , put/que , ,6*<. Quelques Pkllofophes reconnoiffent une qua- trième opération de refprit , qu'ils appellent Mé^ thade. Par cette opération on dirpofc& on ordonne .pluficurs raifonneraens. Oh peut de même cxprimcrt cette difpo'fitlMi & cet ordre , par quelques petites particules.
Toutes*les autres allions de notre cfprlt , com« me font celles par lefquelles nous dillincruons v nous divifons > nous comparons 3 nous allions les chofes , fe rapportent à quelqu'une de ces quatre opérations, & le marquent avec des particules qui reçoivent différens noms , félon leur différent of- fice. Celles qni uniffenc font appellées conjon^i- ves ^ comme €i ; celles qui divifent négatives 8C adverjatîves , comme non , maïs. Les autres font con^ iditlonnelles y comme fi y &c.
Il y a des Langues qui ont un plus grand nom- bre de ces particules. II y en a pour l'affirmation^ la négation , le jurement, la féparation, la collec- tion.. Il y a des particules de lieu , de temps , de nombre , d'ordre , de commandement , de défcn- ffc ,: de 'VOBu , "d'exhortation , qui marquent fi on interroge , fi on répond. Ces particules ont une . très grande force ; elles ne (îgnifîent point les ob- jets de n<^ penfées, mais quelqu'une de ces aiflions doat nous venons de parler. Plufieurs d'entr'elles fervent «auâi à marquer \ts mouvemcns de l'ame , J'aioiisAtion.; la joie , le mépri» , la- colère > la
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54 ^A K.HET0111QUI, ou h*A%f
âoalcur. Notre hd marque la douleur. Ha , ia ^ kc , la )oîe. Ces particules s'appellent interjeé- lions. O en e(l une qui ferc à eiprimcr quelque jnouvement de l'ame , une furprife , Tadmlracion , O quel malheur l OU bcUechofcÀ Ces particules» ht ^ ho y font auifi des jnterjedions qui fervent k exprimer des mouvemens de lame j quand oti id- terroge avec aâion , qu'on exhorte : He de grâce dites-moi , Ho répondez-moi. Nous avons pluiieurs particules femblables , qui ont difiérens ufages. Toutes ne s^emploienc gueres que dans quelque mouvement 5 comme quand en nous plaignant nous difons y hai 9 hai , vous me hieffèi. Cette parti- cule fe prononce aufTi lorfqu on fe moe à rire. Fi mar- que qu une cbofe eft dégoûtante & vilaine , qu on n'en veut point. Nous nous fervons de cette particule Helas , dans les lamentations
Le difcours n'eft qaun tiflu de plnfîeurs propo« iîiions,} c'cft pourquoi les hommes ont cherché les snoïens de marquer la liaifon de plufîears propofi* lions qui fe fuivcnt. Notre Q^ue François>qui répond a r«ri des Grecs , fait cettcoffice. Comme quand on dit : Je fais que Dieu ejl bon , il eft évident que ce mot Que unit ces deux propo^cioos , Je fais y 8c Dieu eft bon : il marque que refpric les lieenfem- ble. Pour abréger , on met leveibe delà féconde pTopofition à Tinfînitif 5 & c*cft un des plus grands ufages de Tinfinîtif , de lier ainfi deux propontton9 : par exemple , Pierre croit tout f avoir y pont Pierre ' croit, quil fait tout.
Nous favoos de quelle manière on peut Signifier les aâ:ions de notre ame \ voïons à préfcnt ce que la nature feroit faire à cette troupe de MMiveauz hommes , pour donner des fignes de leurs paffions. Confulcons nous nous mêmes fur ce qu'elle nous fait faire quand elle nous porte à donner d( s (\- gnes de l'eilime ou du mépris , de Vamoui^oude
1>E fàRLÉR. Liv. I. Ciàp. XL 5f la haîne^ que nous avons des cbofes ^ui fondée objets de nos penfées 6c de nos affeâions. Le dif* cours td imparfait lorfqu'il ne porie pas les mai* ^ues des mouvemens de notre volonté > & iJ ne rcflemble à notre efprit , dont il doit être l'image, <}ue comme des cadavres refTcmblent aui corps vi« vans.
Il y a des noms qui ont deux idées. Celle , qu'on doit nommer l'idée principale , rcpréCente la cboGc qui c(i fîgnifiée ; l'autre , que nous pouvons nommer accefloire, repréfente cette chofe revêtue deceitaiitci circonilances. Par exemple , ce mot Mtmeur (igni» £e bien une perfonne que Ton rcpreut de n'avoir pas dit la vérité \ mais outre cela, il fait connoicre qu'on lui reproche de vouloir caclicr la vérité par une ma* lice honteufe, & que par conféquent on lecroicdigne de haine & de mépris.
Ces fécondes idées , que nous avons nommées ac« ceflbires, s'attachent elles-mêmes aux noms des chofes y & fe lient avec leur idée principale , ce qui fe fait ainfi. Lorfque la coutume s*eft introduite de parler avec de certains termes de ce que Ton eftime » ces termes acquerenc une idée de grandeur : de forte -qu'auffi tôt qu'une perfonne les emploie ^ Ton con^ ^oit qu'elle eftime les chofcs dont elle parle. Quand nous parlons^ étant animés de quelque pa/Con , i-air « le ton de la voix , & plufieuts autres circonftances font affez connoltré les mouvemens de notre cœur. . .Or les noms dont nous nous fcrvons dans ces occa* fîoDS', peuvent dans la fuite du temps renouvcller par eux mêmes l'idée de ces mouvemens , comme lorfque nous avons vu plu(îeurs fois un amt vêtu d'une cer« caine manière , cette forte de vêtement eft capable de nous donner l'idée de cet ami. De là vient que prc{^ que tous les noms propres des chofes naturelles ont des idées acceflbîres laies, parceque les débauchés ne parlant de ces chofcs que d'une manière info lente
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$S LARhïT01lT<ÎUB,0UI.*AKlr
& ck^honnêtc , les falcs imaîa;cs de leur efpnt fc font atrachtcs à ces noms 5 comme un fagc Païen s^'cneft plaint il y a lon?:^ tems : nous n*avons, (Ht- il, prcf- que plus de mots chaftes 3c honnêtes. Honefla nomînà perdidimus,
' Et c'eft au(fi ce qui nous fiit comprendre pournnoi dvant la corruption nniverfelle des hommes , ou dans le temps qu'on vivoit plus (înoplement , on avoit plus ^e liberté de nommer les chofcs parleur nom , com- ttie ont fait ceux qui ont écrit les Livres de TEcriture. Ce n'ed pas que ces Auteurs facrés fud'ent moins chaf- tts ; mais ce(l que les Hommes font devenus plus malins , & qu'ils ont attaché de fales idées aux cho- fes naturelles , dont on ne peut plus parler inno- cemment qu'en fe fcrvant de détour , c*eft*à-dire , 4*un long difcours , qui en même-temps qu*il fait connoîcre les chofes , en fait concevoir des idées lionnêrcs.
'- Les m0ts contraâant d'eux-mêmes des idées âc« «eflbires , comme nous venons de le dire , c'eft- à>dire les idées des chofes, &de la manière dont ces chofes font conçues , notre nouvelle troupe n'auroit pas la peine de chercher des noms pour marquer ces idées acccffoires. Il fe trouveroit fans artifice , que dans cette nouvelle Langue il y auroîc des termes, qui outre les idées principales des objets qu ils figni fient , marqucroicnt encore les mouvemens de ceux qui fe fervent de ces termes ; comme on connoît quç celui qui traite un autre de menteur , le méprife , & l'a en averfion. Outre cela , comme nous ferons voir dans la (uite de cet Ouvrage > le& paffions fe peignent elles-mêmes dans le difcours , & elles ont des caractères qui fc forment fans étude de fans art.
Dî PARLER. Lh. /. Chap, XIL ^7
ChapitrbXII.
.Çonfiru^lion des mots eafimUe. Il faut exprimer totf s
les traits du tableau qu'on a formé
dans fon effrita
JfX ^(^s âvoir croovécoQS les termes d'une Langue , ^1 4kut penGsr à Tordre £c à l'arrangement de ces lermcs. Si^ le^ mors qui renferment un fens , ne por- ^^cenc 4cs flûrques di la liaifon qu'ils doivent avoir^ & fî oiM^ppcrçoit od ils fe 'rapportent , le dif* r^acar 94 forme aucun fcns raifonnabie dans TeTpric xle celui, qui l'écoute. Entre les noms > comme nons avons remarqué , les uns fîgni fient les chofes , les au- tres les manières des chofes. Les premiers font ap- pelles fubftancifs, les féconds font nommés adje^ifs. Ainfi comme let manières d*être appartiennent à rétrc, les adjedifs doivent dépendre des fubdaft- tifS) 8c portei^ les marques de leur dépendance. Dans une proportion le terme qui en eft l'attribut fe rap- porte à celui qui en efl: le fujet : ce rapport doic . donc être exprimé.
Dans planeurs Langues les noms font diftingués en deux genres par des terminaifons diiiérentes» Nous appelions le premier genre ^ mafculin ; le fécond le genre » féminin. La bifarretie de l'ufage efl étrange dans^ctte didribution , tantôt il a dé-* terminé le g*enre par le fcxe , faifant de mafculin les noms d'Hommes , & tout ce qui appartient à l'Homme j 8c de genre féminin les noms de Femmes ^ . & ce qui regarde ce fexe, naïant égard qu'à la feule (ignificatlon : & tantôt , fans coniîderer ni U term^naifon > ni la (îgnjfîcation , il a donné aux noms le genre qu'il lui a plu. Les noms adjedifs, & les autres noms .qui fignifient plutôt les ma-
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58 La RHETORiavBjOu l'Art ni ère des chofcs , que les chofcs^ ont ordinaire* ment deux terroinâifons , une marcùline , 1 aatrcfc- minine. .^ .. ^
Cela eft ordinaire dans le Grec & dans le Latin ,^8c dans les Langues qui eh dépendent \ «e qui' contre- bMC à rendre ces Langues claires , deqoelquc manière qu'on range le difcours , comme nous le dirons. Les noms Anglois n'ont ni cas , ni genrc^ comme ft/ous , ^toient adverbes , ce qui doit caofer de robf^iiiité dans. leur Langue. La Langue Hdbraît^ue acecâ^aà- tage , qae fes verbes , auiii*bien qire les noms^fciÂc , capables de différens genres. On voit &jc'eft A\ta - Hommje ou d'une Femme que i'oo parfcl^ ^' *• La différence de gcitrc lert à marquel* la Yiai{<^ des membres da difcours , & la dépendance qu'ils oïlc les uns des autres. On denne toujours aux adjectifs Je genre de leurs fubftantîfsj c'eft* à-dire, que (î le . nom fubftantîf eft mafcutin , (on adjeélif a «tic tcr- . xninaifon ma(culine ; &.c'cft cette t^nfï^ffa^fc^n qui . fait connoicre à qui ilappartierK. Lor^qu^1n étie eft multiplié' j fes Tnanieres font aufli multipliées : It faut donc encore que les adjeâifs fuivent le nombre Singulier ou pluriel de leur fubfiantif. Les verbes onc deux nombres « comme les noms : au fingulier ils mar» quent qu« le fujet de la proportion eft un en nombre ; au pluriel leur (ignificatien enferme la pluralité de ce fujet ; par canféqtient les verbes doivent être mis dans le nombre dn nom exprimé ou fous-en tend» ^ui efl le fujet de la proportion
Les Hommes font quciqaefeis fî occupés des chofts • mêmes , qu'ils ne font pas réflexion fur leurs noms : Hs ne prennent pas garde quel cfl le genre de ccf noms , quel efl leur nombre ; ils règlent leurs dif- cours par les chofes : ils placent le verbe ati pltN liel y quoique le nom auquel il ft rapporte fôit ^neuUer, parcequlls conçoivent parce nom bbc ià& de pluralité. Ainit Virgile die ; Parsmtrfi unuéft
©1 PARLER. Liv. /. Chdp.\ XII. .f^ nUemy pour pars merfa unuit ratem : paiccquc, lans avoir ^gard^à ce nom 9 pars , qui efl fcmiiûn ^ & au (în^ulier , il cnvifagc les Hommes donc il parle. Nous di Ions en Fiançois , // cftjïx heures , conddé- ranc ces fix heures comme un (cul temps déterminé, qui e(l nommé (ix heures. Quelquefois on oublie ua mot , parcequeceui à qui on parle peuvent le Top* pléer. On dit en Latin , trïfit Lupus ftabuLis ^ fous-en- ccndanc ce mot , negotium.
Il cfl: évident que ,* comme le difcours n*cfl qo'unc image de nos penfées , afin que le difcours foit aaca* tel , il doit avoir des (îç^ncs pour tons les traits de nos penfées , & les repréfencer toutes comme elles fe trouvent rangées dans nacre efprit. Cela feroit ainfi dans toutes les Langues , (1 le dclir quoA a d*abréger , n' avoir porté les Homnoes à retrancher du difcours tout ce qu'on y peut fuppléer , Si àchoidr pour tcela ^ des cxprefHons abrégées -j ce qui fe voit dans la Lan- gue Latine. Toi^tes ces ezpre/tions , oii il fcmhle que l'ordre naturel n'eft pas gardé , n*ont cependant rien de particulier , fî ce n eft que Tufage en a retranché quelque mop qui fc fuppléoic facilement : cette ma- nière de parler , pctniut nu peccati , eft la môme chofe que ptena tcnet me peccaiimeL Comme celle« ci, med refert^.c&:h mêane cho(é que ia mâa re féru Sandius , dans rexcellcoc ouvrage qtfil . a compofé fur cette matière en expliquant la lyn- taxe Latine , montre que toutes clcs manières de cette Langue^ qui paroificnc extraordinaires , ne «le font en ciFet que parcequ il y a quelque mot fup-
5 rimé ^ & qu ainfi il cft Eacile de les rappeller à l'ot^ re commun. . . Les Maîtres de l'Art .onc mmmié figures les ma- nières de parler extraordinaires. Il y a des figures de KhétQrtqne, il y a. des figures de Grammaire. Lo premières expriment les mouvemens extraordinaires donc l'aine e(l agitée dans ks paffions , od élis s , * C V)
éo La Rhétorique 0\S t'A»r «forment une cadence agréable. Les figures de Gram^
maire fe fonc dans la conflrudîon , loiTcjiie l'on s*é« .Joigne des règles ordinaires : Par exemple , cette
manière de s'exprimer , pars merji tenu ère ratem , «donc nous venons de parler , efl une figure que les
Grammairiens appellent Sj^/Z^/?/^ , ou Conception y
• parcequc pour lors Ton conçoit le fens aucren^enc
• que les mois ne portent, & qualnft l'on fait la conf- irudion félon le fcns , & non félon les paroles.
• Trifte lupusjlabulis cft ce qu'on appelle ellipfe , c'eft- â dire omimon ou oubli de quelque chofe , comme ici de ce nom negotium. On appelle hyperbatc le reil- verfement de la manière ordinaire d arranger les mots. hinCi tranflra pcr & remos ^om per tranftra €» remos , eft une hyperbatc. On peut quelquefois fe
. fervir d'ex preiltons différentes qui donnent une même
idée, de forte qu'il fcmble indifférent de fe fervir de
-l'une plutôt que de l'autre > comme dare cUJpéus
'.ultflros ^ ou dar€<lajfcs aujiris ^ c^zpofcr les invites
- aux vents . ou leur faire recevoir le vent , font deux ! expreflionspcu diiFcrentc;. Lorfque de ces deux façons
de parler on choîfit celle qui eft moir» ordinaire» ' ce*a s'appelle Enallagc ou changement.
Le difcours doit avoir tous les tnits de la for- -mt des penfées de celui qui parle > comme on vient Me le dire : il faut donc quand nous parlons , qtie chacune de nos idées que nous voulons faire cor* noitre, ait dansie difcours un figne qui la reprc^ fente. Mais aufli il faut obferver qu'il y a des mots qui ont la force de fignifier beaucoup de diofeî ,
- Bc qui , outre leurs idées principales , peuvent eD réveiller plufîeurs autres , du nom defquelles - >Is
^font par con(?quent Tofficc. .Lorfque toutes nos idées font exprimées avec leur liaifon , ïï eft im- 'pôilible que fbn n'apperçoive ce que nous peu- fons > puifque nous en donnons tous les fi.gnes né-* i^eâaires. C cft pourquoi ceux-là parlent clair«*
ÏIS PARLER. Ziv. L Clap. JtïL it 'Ibentquî parkoc (Itnplemcnt » <]ui expriment Icors pcnfées d'une maaîere naturelle , dans le roénac or- dre y dans la même étendue qu'elles (ont dans leur efpric. Il e(l vrai qu'un djfcour^ c(l langui ffpnt quand oh donne des termes particuliers à cbaqoe chofe qu'on veut fignlfier. On ennuie ceux qtri écoifjpir, s'ils ont refprit prompt. Outre, cela,^ Tardcnr defir de faire connoître ce qu'on penfe, ne foufFre pas ce grand nombre de paroles. On voadroit , s'il étoit pofTible • s'expliquer en un feul mot : c'eft pourquoi on choi(ît des termes qui puifTenc exciter plufîears idées ; 8c par conféqueoc tenir la place de plufieurs paroles : & l'on retranche ceux qui étant oubliés , ne peuvent eau fer d'obfcu- lité. La règle, c'eft d'avoir égard à la qualité de Tefprit de ceux à qui on parle : fi ce font des per- fonnes (impies , ii ne leur faut laiffer rien à devi- ner , Sl leur dire les chofes au long.
L'Ellipfe , cette figure de Grammaire qui fu(r- prime quelques paroles > eft fort commune dans les Langues Orientales. Les peuples d'Orient font chauds & prompts ; ainfi l'ardeur avec laquelle ib parlent , tie lettr permet pas de dire ce qui fe peut ibus-entendre. Nôtre Langue ne fe fcrt point dt cette figure, ni de toutes les autres figures ôc Grammaire. Elle aime la netteté & la naïveté ; c'eft pourquoi elle exprime les chofes , autant qu'il & peut , dans Tordre le plus naturel & le plus ample. £n parlant nous devons avoir un foin particn- .fier des chofes principales , 6c choiiîr pour elles des expreffions qui faiient de fones in>prcfllonfS , foit par la multitude des idées qu'elles contiennent ^ foit par leur étendue. Les Peintres groflîifênt les traits prmcjpanx de leurs Tableaux 5 ils en aug- mentent les couleurs « fc^affoîblificnt celles des au- tres traits , afin que Tobfcurité de ces derniers re* kve l'éclat de ceux qui Vivent paroiuc^.Les ^
é% La RMCTORtQci, ov t*Aar tjces chofes, 8c <]iû ne font, pas de leifence cTtifl difcours, DC vcnlcnc êcre dites quen pafTanc : c'eft une faute de jugement bien grande d'emploïer pour elles de longues phrafcs : c'eft détourner les yeux du Leâeur de ce qu'il eft impeftant qu'il coiiildere , & les attacher à une bagatelle. On pè- che en deux manières bien difï^i entes coiye le juftc choix que Ton doit faire d'exprcflions fer- rées ou étendues , félon que la matière le deman- de. Les uns font diftus « les autres font, fecs : les uns prodiguent les paroles , les autres les ména- gent trop ; les uns tont ftériles, les antres fonc trop féconds. Les premiers ne lepréfcMCiTt que la xarcane des chofes , & leurs ouvrages font fem» blables aux premiers delTeins d'un tableau , dans lequel le Peiotre n'a fait que marquer par un .léger craiou la place des yeux » de la bouche , & des oreilles du Portrait qu'il ifent faire. La trop grao- .de fécondité des derniers étouflè les chofes. Il faut apporter un jude tempéramment. Après que le Peintre a tiré tous, les traits nécefiaires, ceux qu'il ajoute enfuite gâtent les premiers. Les paro- les fuperfiues obfcurciiTent le di{t»urs ^ clles'^n»» pèchent qu'il ne foit coulant ^ elles laffcnc les oreil- les , & s'échappent de la mémoire.
Omne fupcrvacuum pleno de pcflort manat, \ Horat, Art. Poit.v, jjy.)
- La politeffe confifte en partie dans un retrait- cKement févere de toutes ces paroles perdues qui en font comme les ordures. Un corps n*eft poli .qu'après qu'on a ôcé avec la lime les petites parties .qui rendoicnt & furface raboceu(er . Les <7rampnairiens appellent Tautologie cette ré* •l^étition des mêmes chofes ^ qiti ne fert qu'à ren- -dre le difcours plus long & plus ennuïcux. L-orfl •igue le .difcours cil: alnfi diargé de paa>k& fupe»*
TD E P A R L z R. liv. L CKà^. XII, ' 61 fliïcs j ce défaut fc nomme au (fi Pcriffblogu, NéaiH hioins on q e(l pas obligé de ménager (es paroles avec tant de fcrupulc , que Ton ne puifl'c mettre quelque mot de plus qu'il ne fauc^ comme quand on dit en Latin , Vivcre vitam , auribus audire. Cette manière de pailer qui cil figurée, fe nomme Pleonajme on abondance.
Pour éviter les deux extrémités de dire trop , oa
de ne dire pas aflcz , il faut méditer Ton fujct avec
beaucoup d'application , pour s'en former une ima-
:ge nette, qui ait tons les traits qui lui font propres
'& elfcnticls. Dans le premier feu de la compofîtioa
•ÎI tîe faut point ménager fes paroles ; maïs après
€}uon a dit tout ce qu'on pouvoir dire, il faut,
8*il m'eft permis de parler ainfi , mettre toutes ces
paroles dans le prcffoir pour en exprimer le fuc,
■ & en retrancher le marc. C'eft-à-dire qu'il faut rc-
-èTah<:her' ce quî éfl: inutile, avec catc précautiotî
* «fù-en''cou.patit des chairs fnpcrflucs , oh ne coupe \foinf quelque nerf. Un difcours doit ^trc lié : une
• particule retranchée fait que la lïaifon ne paroïc ' plus. La délicatefle » de en même temps la force du
ft^le^confiftent dans l'union & dans la liaifon des par- tics du difcours. Il ne faut point laifTer au Icoeur cette lïaifon 3 (îevinêr : te ne (ont , cômn^c je laî dit , que de petits mors qui la font 5 il Faut donc bicb
' prendre garde de ne les pas retrancher. Mais auflï il faut avouer que lopfque le difcours eft clair par lur- mcme , ces mots étant inutiles , ils ne font que Tem- baraffer. Ceft pourquoi on a raifon de condamner
" ndt re c^r efi ptufieurs occâfions j par exemple, cnr ctWcrà , ri fan jour f car UfeîdLefl levé. Cette conr- féquencc eft trop claire pour qu'il (oit befoin de.Î3
' marquer. Comnié ùp Léàéur eft bien aifc qu'on ne
- Poblige pas de dcvrnbr , auffi tout ce qn*oh lui dît de trop l'importune. Il ne faut rien oublier pour attein- dre h fin , mais ce qiïi ne fert de ri^a eft Uft eaaba^ ia$ ^ui rctai:dcr
Chapitre XIII. De l'ordre & de V arrangement des mots.
V^E n cft pas une chofc auffi ai fée qu'on le pcn- ic . de dire quel e(l Tordre naturel des parties dii difcours *, c'eOi-à-dire , quel e(l l'arrangement \é plus raifonnable qu'elles piûircnt avoir. Le diC- cours cft une image de ce qui cft prëfcnt à l'cftric , qui eft vif. Tout- d'un- coup il .cavifagc pliihcuçs chofes, dont il feroit pa.r cooféquent difiicUe;.4c décermincr la place, le rang que chacune tient, puifqu il les embrafTe toutes > & les voit d'un feyl regard. Ce qui eft donc cileptiel pour ranger Us termes d'un difcourS^, c'eft qu'ils . Toi ei^c lies, 4^ manière qu'ils ramaiTent & expriment tout-^'v^p- coup la pcnfée que nous voulons, figxïificr. Nëaa* moins, fî nous voulons trouver quelque fuccef* .^on d'idées dans l'efprit, commç l'on ne peut con- cevoir le fens d'un difcours fi auparavant on ne fait quelle en eft la matière, on pourroicdiré que l'ordre demande que dans toute propofition le nofii qui en exprime le fa jet foit placé le premier > s'il cft accompagné d'un adjcdif, que cet adjcdif le fuive de près -, que l'attribut foit mis après le verbe qui fait la liaifon du foiet avec l'attribut j que les .particules qui fervent a marquer le rapport d'une chofe avec une autre ^ foient inférées entre ces cho- fes , afin qne tous les mots qui lient deux propo* fitions , fe trouvent enfcmble. ; Aufîî voïons- nous que les peuples qoî cxpçî- ^ment fans Art leurs pèofées > fe lont affujeccis à cet ordre. Les anciens Francs j^arloient comme ils peu- 'foicni. Ils ne chcrchoicnt point d'autre ordre <^e '^lui des cbpfcs mcji>es ^ U ics exprimant /ekn
D t 1» A A t S K. Z/V. /. Chap. XIIT. éf -fjutllcs fc prékntoient à leur cfprit , ils rangcoîetic leurs rarolcs comme leurs penfécs fc crouvoienc dirpofecs dans leur conception. On penfe d'abord au fujct d'une proportion: rcfprit en fui te le com- pare & en affure quelque chofe ^ ou il nie cette chofe , félon le jugement qu'il fait i ainfi le fujec oc- cupe la première place , enfuite i'aâion de l'efprîc qui juge cil arant la chofe qui eft niée ou afHr- -fnée« Dans notre Langue , le nom qui exprime le fu- ^et de la proportion va devant ; après on place te verbe 9 & fnit le nom qui marque l'attribut. Cet or- dre eft naturel , & c'eft un des avantages de notre Langue de ne point fouffrir qu'on s*en écarte. Elle veut qu'on parle comme l'on pente. Pour penfer raifonnablement , il faut confiderer les chofes avec cet ordre , que premiercmenc on s'applique à celles dont la lumière fert à faire découvrir les autres. Il faut donc que les paroles foienc placées (eloa que leur fens doit écre entendu , afin qu'on puifTe •appcrcevoir le fens de celles qui fuivent. le génie de notre Langue , c*e(l qu'un difcours François ne peut être beau (î chaque mot ne réveille routes les idées , l'une après l'autre *, félon qu'elles fe fuivent. Nous ne pouvons (oufFrir qu'on éloigne aucun mot qu'il faille attendre pour concevoir ce qui précède j ennemis pour cela des parcnthéfes & des longues périodes. Auflî notre Langue eft propre pour traiter les fciences» parcequ'elle le fait avec une admirable clarté , en quoi elle ne cède à aucune vaucre. 11 ne s'agit donc en enfeignanc y'que d'être clair.
Mais auflî il faut avouer que ce n'eft pas tant une vertu qu une néceïfité à notre Langue de fuivre Tordre naturel ; ce qui lui eft commun avec toutes ks Langues donc les noms n'ont ni genre , ni cas. Tl faut, dans un difconrs, qu'il paroi (Te où fc doivent rapporter les parties donc il eft compofé. Nous bq
éé La RHETORidUBy otr l'Art
parlons des chofes ^ que pour marquer ce f]uc nous en jugeons, à i]uoi nous les rapportons. Si cela ne parok , le difcours eft confus. Qu'on dife en Latin: Deusftcit hominem , ou homïnem fecit Deus , il n'y a aucune ambiguïté. On voit bien que ce n'eft pas l'Homme qui a fait Dieu , parcequ*Ao/Ri/7m étatic à l'accufatif • & D<us au nominatif, on connok que c*eft ce nominatif qui agit fur THomme \ mais dans notre Langue , Dieua fait l'Homme ^ & VHom^ me a fait Dieu , ncft pas une même chofc. Ceft le féal ordre qui diflingue celui qui agit d*avec celui qui eft le fujet de Taé^ion .^ quand on dit ^ Dieu a fait l'Homme , l'on marque que c'eft Dieu qui agir. Sans cet arrangement ces mêmes mots ont un uns contraire 5 au lieu qu'en Lztla^ -hominem fecit Dcus , ou hominem Deus fecit y o^ fecit hominem Deus , oa Deus feçit hominem , eft une même cbofe.
Les Latins & les Grecs ne font donc pas obligés de s'afTujettir comme nous à l'ordre naturel. 11 y a même lieu de contefïer Ci c'eft vm défaut dans leur Langue de s'en difpcnfcr 5 car outre que ce rcnverfemcnt, comme on Ta /ait voir , qpand il eft réglé ne caufe point d'obfcurité , on peut dire que le difcours en eft même plus clair & plus fort. Lorfqu'on parle on ne veut pas feulement marquer chaque idée qu'on a dans Tcfprit par un terme qui lui convienne > on a une conception qui eft comme une image faite de plufteurs traies qui fe lient pour l'exprimer. Il fcnible donc qu'il eft à propos de préfenrer cette image toute entière , afin qu'on confidere d'une feule vue tous fcs traits lies les uns avec les autres couifne ils le font ; ce qui fe fait dans le Latin , ou tout eft lié , comme les cho- fes le font dans l'efprir. Dans cette cxprefTion , ho- minem fecit Deus , on voit que ce mot hominem^^ n'eft pas là fans fuite , qu'il fc doit rapporter à ç^uclque nom 5 §c toute l'cxpreflion hominem feàt
DE r A R l 1 R. I/v. L Chap, XIII. éy Dcusy repréfence la peofée de celai qui parle y non ■par parties brifécs , mais tonte entière. Ce pre- mier mot homincm ne fignifie rien ; il faut , pour dccoavrir ce qiul lignine, envifager toute Tc»- preffion y ce qui oblige de la confiderer toute en- tière. On peut dire qu'en François chaque moc fait un fens. Dieu a fait; cela a un fens > mais ces mots hominem fccit , n'en ont aucun, qu*après qu'on y a joint le nominatif' Dcns, En quelque Langue que ce foit on 0'apperçoit jamais parfaitement le /ens d'une cxpredion qu'après l'avoir entendue toute enriere \ ainfî Tordre naturel n'efl pas fî âbfolument n^cc/Taire qu'on fc l'imagine > pour faire ou'un-difcours foit clair. Celui qui dit homi-' nem jecit Deus , ne confédéré l'homme que dans Ci rapport qu'il a avec Dieu qui eft Ton Créateur : cet aecufacif marque ce rapport. Ajoutez que le retardement que fouffre le Ledeur> & Tattente •qu'on lui donne d'une fuite , le rendent beaucoup ,plus attentif. L'ardeur qu'il a* de découvrir les xhofes s'augmente , Se cette attention fait qu'il Tes .conçoit plus facilement. AqfTi les eiprefTions Lsk tines font plus fortes étant plus liées. Le renverfe« ment qu'on y fait , lie une propofîtion , & la ramaC- fe en quelque manière ; car le Leé^eur éft obligé -pour l'entendre d'envifager toutes les parties cn- fcmblc 5 ce qui fait que cette propofîtîon le frappe plus vivement. Encore une fois , tout cft conpé en François. Nos paroles font décachées 5 c'cft pour- guoi elles font languiflantcs , à moins que les cho- ies dont on parle n'en foutîenncnr le riffu.
Je l'ai dit, il qe faut pas s'imaginer que refprîc forme fes penféts avec tant de lenteur , que les chofes auxquelles il pcnfe ne fe préfentcnt à lui. que fuccefTivement.. D'une feule vue il voir plufîcurs .ciiofcs. On peut dpnc dire qu'un arrangement cft naturel locfqu^il préfcnt^ toutes les parties d'uQb
«8 La RhetOri^vf. , ou l'Akt t>ropo(icioD unies entre elles comme elles foDt dans rcfprît. Cela s'accommode mieux à notre vi- vacité naturelle. On perd patience lorfquon nt nous dit les chofes €]ue l'une après l'autre , d'une manière Ititerrompue ^ & par conféquent ennuïeu^ fe à un efprit qui voudrojt qu'on lui dit les chofes tout-d un-coup comme il les voit. Celui qui a écrk des avantages de notre Langue ( Monfitur le Labou- reur y dèfcnfe de la Laagut Françoije ) n'avoir pas fait cette réflexion, loilqu'il condambe la manie* re dont les Latins pouv oient arranger leurs paro» les. II tâche de les rendre ridicules. 11 rapporte ces paioles de Ciceron : Quem enim noftrûnt ilU mo'^ riens apud Mantintam Epaminondas non cum qua^ dam.miferatione delefiat ? Ce qu'il traduit ainfî î Lequel car de nous lui mourant à Mantinée Epa^
* minondas ne avec quelque compajjîon delâéie-4 il point ? Sans doute que ce François elt choquant , parceque ce n'eft point ainii qu'on parle en Fran- çois , & quec'efl l ordre » comme nous l'avons dit , qui fait connoître od chaque cbofc doit fc rap^ porter 5 au-Iieu qu'en Latin ce font les cas > les genres. Au/fi quelque renverfement qu'on trouve dans les paroles Latines de Ciceron , à moins qu'oa n'ignore le Latin , on ne peut y trouver d'obfcif- rîie. C'cft en vain que cet Auteur dit que les Ro- mains penfoient en François avant que de parler en Latin. Car un François même uc ticndroit guère du génie de fa Nation, s'il penfoit fufcefîîvemcnt & difbindement à toutes les chofes qu il ne peut exprimer que les unes après les autres. On le {aie fi bien, qu'un tour trop régulier rend le difcours languifTaut. Quand on ie peut , on s'en écarte , &
• avec grâce. // pér'u ce Germanicus , fi cher aux Rq^ mains , dans une armée où il eût eu moins à crain* dreles ennemis de l'Empire, qu'un Empereur qu'il avoit fi bien fervi. Ccja ^ bien plus de grâce qui
DE PARLER. Z/V. /. Chap* XIII. 6f ce tour régulier : Ce Germanîcus fi cher aux Ro- mains périt dans une armée ^ &c.
Néanmoins il ne faut pas conclure de tout ce^a qu'il foit permis aux Latins & aux Grecs de tranf- porter lears mots fans aucune modération. Il n'^ a que de foibles Ecrivains qui prennent cette liber- té , les bons l'ont condamnée > car fans difficulté un mot ne doit jamais être trop éloigné du liea oiî il Ce rapporte. Quand on y manque, c*cft ua défaut qui te pardonne , maïs c'eft iorfqu*il eftfà- re ; 6c alors les Grammairiens , comme nous' t a- vons dit , en font une fi:;urc qu'ils appellent ^y- p^r^d/^; c'eft- à-dire tranfpofition 5 telle qu'cft cclfc- çi dans ces vers de Virgile :
• Furit immijjis Vulcanus hahenis
Tranftrapfr & remos, ( ^neid. I. 5. v. 66z. & feq. )
Difons encore» en favenr de la Langue Latine, que cette hberté qu'elle a , lui donne le moïen de rendre le difcours plus coulant & plus harmonieux. Elle peut déplacer un mot*dcfon lieu naturel fans que ce déplacement caufe du défordrc , pour le mettre ailleurs oii fa prononciation s'accommodera mieux ^ec celle des mots qui le précéderont ou qui le fuivront. Nous fgmmcs extraordinaircmcnt gênés en François. Comme ce n'eft que le feul or(|re qui fait la conftrudlion, c'cft-à-dire , qui fait con- floîtrc ou chaque chofe fe doit rapporter , le gé- nie de notre Langue nous aflujcttit a l'ordre qui eft ufîté 5 quand même il n'arriveroit aucune obfcu- * tité (1 on ne le fuivoii pas : c'eft une même chofç que blanc bonnet ou bonnet blanc ^ noir chapeau ou chapeau noir y blanche robe ou robe blanche, cependant on ne peut pas dire Tune & l'antre. Oa eft contraint de dire toujduts un bonnet blanc , un. chapeau nçïr , fine robe blanthe , comme au coa»
yo La Rhbtorique. ou î'Ar^ traire il fauc dire une bdU femme , il n eft jamaïf permis de dire , une femme belle.
L'arrangement même , ce qui n'eft point en La- tin , change le fens des mots , car fuse fenme & femme fage ; greffe femme U femme %rojfe , mort hoïs in bois mon , ne font pas une même cbofe.
Il y a pourtant de certaines occadons où le rcn. ycrfemcnt de l'ordre naturel cft une beauté. Cette cxpreiTion , comme difent Us Fhilofophts , cft plus élégante que celle-ci , comme Us Philofçphes iifent^
Ce qui fait voir que fi Ton oe peut foufFrir les changcmens qui ne caufcnt point d'obfcurité , c'eft fouvent un caprice. Les Italiens ne font pas fi cxacfls obfcrvateurs de l'ordie naturel c]ue nous. C'eft une beauté de leur Langue que de dire , ïlmîo amore , pour Vamore mio. Ils ne le mettent pas en peine que cela faHe quelque équivoque : jls difent AUffandro Vira vince : ce qui peut avoir deux fens. La coutume fait beaucoup. On conçoit aifémenc cerqui eft dans les manières ordinaires ^ ce qui faîc qu'elles deviennent naturelles. Les Anglois arran- gent leurs fubftantifs autrement que nous. The Kings* Court ^ comme s'ils difcient du Roi la Cour^
Chapitre XIV. De ia netteté^ & des vices qui lui font oppofés. ^
JLj* Arrangement des mots mérite une application
SarticuUere , & Ton peut dire que c'eft par l'Art e bien placer les parties du difcours , que les ez« cellens Oratenrs fe diftinguent de la foule : car enfin les mots font dans la bouche de tout le monde , les Orateurs ne les font pas ; il n'y a i^ue la dilf ojStipn dj^ cç$ mots qui leur appac^.
©. E p A R 1 1 R. Lîv. L Chap. XIV. 7t tSenne, âc ^ui faiTe dire 4n*il8 parlent bien.
^ Dixiris egregiè, notum fi caUida verbum
Rcddideritjunhura novum, ( Horac Arc. Poëc* V. 47- & fcq. )
Je ne parle pa^ encore ici de cet arrange :nenc qai rend \t difcours harmonieux , mais de celui qui le rend net. La nectecé & la clarté font une même cnofe* Un difcoars eft net lorfqu'il préfente une peinture nette 2c claire de ce qu'on a voulu faire concevoir. Pour peindre un objet nettement, il en faut rcpré- fcnter les propres traits , donnant pour cela les feuls coups àci pinceau néceifairps. Ceui qui font inutiles gâtent Touvrage. La ckrté dépend en premier lieu de la propriété des termes -, le fcns figuré n'y nuit point , pourvu au il foie à la portée de tout le mon- de: en fécond lieu, de l'arrangement des paroles» LorG:]u*on s'attache à lordr^ natiiirel ^ on e(t clair : flinfi le renverfement de cet ordre ^ ou la tranfpofi- don des mots* trajeQio verhorum , eft un vice oppofé k la netteté. Notre Langue ne fou^ie dp tranfpofî« lions que rarement. Ce n'efl: pas parler François^ dit Vaugelas , que de dire» liny çn a voint- qui plus que lui fe doive jufiement promettre la gloire : Il faut dire , // n'y en a point qui plus juftement que lui fe doive promettre la gloire. Ceft une tranfpofî- tioB que delolgner trop un mot de celui qu'il dolc (aivre immédiatement , comme dans cet exemple , félon le fentiment du plus capable d'en juger de tous les Grecs , au lieu de dire, /î&/i le fentiment de celui de tous les Grecs qui étoit le plus capable £en juger. Il faut placer chaque mot dans le lieu où il répand plus de lumiçre. Ceft une efpéçe de tranf^ pofiiion que d éloigner deux mots qui doivent s'é- claircir. Afin que cela n'arrive pas , il faut couper one phrafelortque la fin eft trop écartée du comment i;^menc .: aMtrement cjuand Ip l^e^çui: eft \ la fin ^
71 La Rhétorique, on l'Art, ïi nç fe fouvienc prefque plus 9u comnicDCcmenf. Le fécond vice contre la netteté cil un embarras de paroles fuperâues. On ne conçoit jamais nette« xnenc une vérité, qu'après avoir fait le difcernc- inent de ce qu elle eft d*avec ce Quelle n'eft pas i c*efl:-à-dire , qu'après qu'on s'en eu formé une idée nette, qui fe peut exprimer en peu de paroles. Le froment tient peu de place après qu'il e(l féparé de la paille. AufTi retranchant les paroles qui ne fervent de rien , le difcours eft court & net : par exemple , ôtaut de l'exprefîjon fuivante les paroles inutiles qui' rembarraflenc : En cela pltijîeurs ahu- Jent tous Us jours tnerveillciifemetit de leur loifir ^ d'embarraffée qu ccoit cette cxpielTon vous la ren- drez nette, la réi^uifant à ces termes : En ceîaplu" fieurs abufent de leur loijlr. Il faut éviter de prendre de longs détours , il faut aller droit à la vérité. ' On doit être cxaâ; à àbfcrver les règles de la fyntaxe-, ou de la conflrudlion. Ce n'eu pas par- ler nettement que de dire : llnefe peut taire ni par^ 1er ; car on ne dit pas , fe parler : ainfi il faut dire, il ne peut fe taire ni parler. Il y a des termes dont la (îi];niHcat;ion vague & étendue ne peut ctre dé- terminée que par leur rapport à quclqu autre ter- me : fe fcrvir de ces termes , & ne pas faire con- lîoîtrc od ils fe doivent rapporter , c'eft vouloij: ufer d'équivoques. Par exemple, qui diroit ; Il a toujours aimé cette perfonne dans jon advtrjiti , il feroit une équivoque i car le Lcdeur. n'apperçoit pas ou le pronom fon doit fe rapporter , il c'cft à cette perfonne , ou à celui qui a aimé : cette faute eft très conndtrabîe. Or pnç des principa- les applications de ceux qui écrivent, doit être d'éviter de femblahles équivoques , comme nous en avertit le plus judicieux de tous les Uhctcurs i non-feulement celles qui jettent le Ledteur danç Tipcertitude quel peut etrç le véritablç fens d'a-
Df PARtïH. Llv. L Chap. Xlt. 71 jNC eiprefltiOH , mais celles même que la fuite du difcours eclaircic , & od perfonne ne peut être trompé. Il ( Q^uint'dian. L 8, c. 2. ) en donne dc$ .exemples pris de U langue Latine. Vitanda impri^ mis ambiguitas^ non hxcjolùtn qua 'mctrtum inielUc" tum facit ; ut , Chremetem audivi percuffiffi De* meam ; fed illa quoquc qua tt'umifi turhare non p^m ujt fenfum , ia idem tamen verborum vitium incidit / ut fi quis dicat , . vifum à fe hominem lihrum fcrih^tt* " Hm} nam etiam fi librum ab homine fcribi pateat , tnalc tamen compofuerat y fcceratque ambiguum , quantum in ipfû fuit.
Comme dans le François nous ne marquoof point les rapports àta noms par des genres & par des cas , nous ferions à tous niomens des équivo- ques , (î nous n employions les articles , qui (crvenc à déterminer le fens du difcours. Ce leroic one équivoque de dire , V amour de la vertu 6» PhHofo* phie ; car on ne marque point le rapport de ce mot Philofi)phie , s*il le faut joindre avec la vertu , ça avec amour. Cette ambiguïté n*eft: point en L^cin-x quand on dit , amor virtutis 6* Pkilojbphiaj on voie que Philofophia étant au génitif comme virtutis 9 il faut joindre ces deux choCes enfemble. Poac pter cette cquiyoqu|^ dans cette expre/Hon Fr;iii- çoife , il feut mettre Tarticle , l*amour de la wir- tu & de la Philofopkie* Dans l'ufj^e des articles il faut diflînguer l'article indéfini d*avec celui qui cil défini , & ne pas mettre Tun pour Tautrc» Ceft mal parlci que de dirc/e r^ ai point de l'argent^ lorfqu on veut dire en général c]u*on eft (ans argent. En cette occafion il faut écrire je nai point d'argent^ Au contraire quand on ne parle pas en général ^ mais qu'on indique une chôCè déterminée^ c'eftonç faute de fe fervir de cet article- indéfini pour celui jqui ed défini : Dire, par exemple > donrui^mo^ a argent , pour iounes^m^i de l'argent.
if4 t'A Rhstoriqijh, bv t^AnT
Ceft la néccflîté qu'il y a d'éviter les équîvtf* ques qui nous fait rejerrcr les participes autant qit'(5n ie peut ; }c dis autant qu'6a Le peut , car on eft foulent obligé de s'en ftrvir , parce qu'ils abrè- gent le difcours. Le fcns des participes cft indétcr* miné dans notre langue ; ris n'ont ni cas , ni genre \ «infî comme leur fapport ne paroic pas, il n'y ^ que la fuite qui les faffc appercevoîr j c'cft pour* <]uoi ils caufent des ambiguïtés , comme dans cet exemple : Je V-ai ûpperfufortant de l'Eglîfe, on ne iaic 11 c'cft moi qui fortois , ou celui dont je par- le. Cette équivoque ne fc faù point en Latin 5 car €eion ce que je vmidrai fîgnifier , je dirai : P^idl 0um egredientem Ecclefiâ , ou vidi tum Ecclefià tgrediens. Pour évitpr donc l'équivoque , on eft {(bbltgé de dire la chofe d'une autre manière. Je l'ai pPperÇu lor/^ue je Jortois dt l'EgUfe yùxx lorfju*tL f&rtoit de L*Eglifi , leton leTeus qu'on veut marquer. Vaugclas remarque fort bien que ce n'cft pas afîex dt f« faire entcrfdre , mais quil faut faire cnfortc «lU'on ne 'puiflc point n'être point entendu. Il n'y « titn de f^ius oppoft à la netteté , que le font cer- taines ^«xprefTfons que ci; même Auteur appelle ^»uclies , parcequc l'o» croit qu'elles regaracnt cfun «côté , & elles regardent ^ Tautîc ,. comme cft ^ v<*fs de l'Oracle.
Aio te , JEacïda , Rptrt^nos vinare pojfe.
. Pyrrhus fils d'Achille defcendant d*£acQs, à qui (^adrefToic cet Oracte , rentendoit de cette manière : O defcendant d*EàcUs.je dis que tu pourras^ aincre If s fLùmiins^ 8f le fensétoit que ks RbitiaîtKTçmi porte- Soient ïur kii fa Vi^oi fe. Les Grecs appellent ce vice l^YHfàiko^g^^' Les^arerithefes trop longues & trop jpflkjpôtttes forft »ii(fi oppofées 'à lia netteté : Xcç Çl^emplps i^'eû»fopt-pa8''raj;^$-4fps l^% Auteurs, '
DE ^ARLEK. Lîv. L Chap. XIV. 7Ç
L*avis que j'ai donné <le placer les particules
^ans les lieux od elles font néccifiircs , e(l très
jconftdécabie. Comme nos membres ne fcroienc pas
•lin corps , s*ils n^écoienc liés les uns avec les autres
^*une manière imperceptible : auiU dos paroles âc
'des pbrafes ne font pas an dîfcotirs , (î elles ne
-ront liées (\ étroitement , que le Ledleur foie con-
-duit du commencement jufques à la fin , prefque
-fatïs qu'il s en apperçoive. Ce font ces petites pat-
*tictile$ qui font cette liaifonj qui foift un corpc de
9R>utes les parties da difcours , & en uni/fciK les
'«Membres. £lies font la beauté & la délicatefle du
4an^age y elles rendent le difcours coulant Se fuivi:
•fans elles' il xfi feniblable à un corps difloqué ,
«oupé 5t mis en pièces j à du fable fans chaux »
Jirerta Jine calce y comme l'Eippereur Claude le
^ifoir du ftyle de Seneqùe. Ce défaut rend & lan-
^ttiffanc & défagréable coHt ce que Ton dit. Le
ménftC^ement des particules efl un des grands fecrets
<de l'éloquence ^ particulièrement daas la Langue
Grecque <8c dans la Latine.
C-HAPITRE XV.
De ta véritable origine des Langues.
ij I ce que Diodorc de Sicile a écrit de l'orlgiae 8cs Langues étoit véritable , ce que nous avons flit de ces nouveaux hommes oui (e font formé une Lanj^ue ,- ne feroic pas une table , tnais une vé- tîtable hiftoire. Cet Auteur propofe le fentiment de
3uclques Phllofophes touchant le commencen^enc u monde. Après que les éléraens eurent pris leur Î'iace dans l'Univers , & que les eaux fe furent af- cmbléesen un même lieu > la terre , difent ils , qui ërolt exK:are humide ^ &t Chauffée par la chaleuc da
ys La RwïTORigtUE, ou t'Aur Soleil , & , devenant féconde , produific les hoRi^ fncs U les autres animaux, comme elle ptoiluie encore aujourd'hui des ra.cs . des grcnouillcit & la plupart des in H. des , qui naiflcnt , comme on ]« pcnfe , de pourriture. Tout cft faux daa$ ce que dix biodore. Quel mouvement pourroic remuer les parties du limon , de force qu'en fe fioin'aot, en fc coupant , elles priffent des figures juftcs pour cooir
tiofer la machine d'uo anijuai? Je oe parle pas feu- bment de l'I^omme , je dis qu'il n'y a point d*inr fc£ïe q«ii ne foit compofé d'un nombre de reflbrttf qui ne fe pcurroicnc compter , quand ils feroien^ artcx gros pour erre fenfibics. Si on ne peut donc nous faire comprendre que le bazard piiiffe form- uler une montre d'une centaines .de parties diifé» rentes, comment nous expliqueroic-on la compo.- iition d'un animal qui a des millions de rcfToit^ } Mais achevons d'écouter cecce fable que Diodore xacontc. Il dît donc que les hommes, nés de la ter- re , comme les herbes dans un jardin , les grenouilT les dans un étang , que ces hoiî^mes , dis-jc ,^ qui étoîcnt difperfés de côté & d'autre , apprirent par fjpéricncc , qu'il leur étoit avantageux de vivre çnfcmble pour fe défendre les uns les autres contre )es bêtes : que d'abord ils.s'étoient fervis dé pa^i ijoles confules & groflîeres , lefquelles iU polirent cnfuite, de établirent des germes néceiTaires poiy: s'expliquer fur toutes les matières qui fe préfen- toîenc : & qu'enfin . comme les hommes n'étoienç point nés dans un fcul coin de la terre , & que par conféquent il^s'étoit fait plufieurs fociçtés diffé- rentes, chacune aïant forme fop langage , il étoiç a.rrjvé que toutes les Nations ne parloient pas unç même Langue.
G'étoïc ropinîoo de^ Gr*çs les plus polis , qui ^imaginoicnc être efFcâivement nés dans les paï^ ^u'iîs'^^h^bit.Diçnt , fc glorifianç d'ptrç çnfani| .dji
u E ^ A R L t R. Lh. I, Chap. XV, 77 ttar propre terre , «vr^;^^^^^ indigenà. Si la terre ne peut pas produire an infeéle, ou qu*on*nc puiC- fc pas concevoir comme ellcf le pourroic faire , on ne/concevra pas <]ue l'Homme fuit ford de la terre , ou qu'il fe foie fait. Touâ les ancieus monumens de i'iiidoire s'accordent avec l'Ecritaré, qui nousl apprend que Dieu créa le premier homme. Les Grecs n'avoicnt aucune véritable connoiflance dtf TAmiquité , comme Platon le leur reproche dans l'un de fcs Dialogues , où il fait dire à Timce , que les Egyptiens avoient coutume d'appellcr les Grecs des enfans , parcequ'ils ne fa voient , non plus que de petits enfans , doii ils étoient fortis,^& ce qui s'étoit paffé avant leur naiffance ; ainû nous hc devons pas nous arrêter à leurs coptes.
. Tous les anciens monumens de l'antiquité , com- me "je l'ai dit j rendent témoig;nag;e à la vérité de ce que Moïfe raconte dans la Gcncfc , de la naif- fance du monde > & des premiers hommes. NouS apprenons de ce Livre divin , de l'autorité duquel ©erfoiine'rte peut douter, «juc Dieu forma Adam ic premier de tous les hommes -, il le créa parfait , avec une compagne, il lui donna donc un langage qu'ils parièrent Tun avec l'autre. Ccft cette Lan- gue qui doit être regardée comme la première; Les lavans croient avoir des preuves que c'eft la Lailgue Hébraïque dont Dieu s'eft fcrvi en par- lant aux Patriarches , & dans laquelle Moïfe 5c les autres Ecrivains facrés< ont écrit les faimes Ecritures. On croît donc que ce premier langage , qui fiit enfuicc celui des Hébreux , fe con(erva après le déluge jufqu'à la confufîon qui farvinc dans le langage de ceux qui bâtirent la Tour dz Babel. Ce nciï pas le fentimcnt d*^un certain Au- teur, * dont le Livre a été imprimé à Vcnife, il y a quelques innées. II foatient que la Langue Grec-
* /9dff, Pttr, EncHf.
D iij
que cA la première de toutes : quAdam a parîiff Grec. Ses preuves font, qu'auili-tôt que ce prc- jnicr homme ouvrit les yeux , il admira la beauté des ouvrages de Dieu , & s'écria , O i qu'ainfi ii trouva 1 * Grec j cnfuite Tw, lorfqu après quE- ye fut fortîe de Ton côté, en la Tentant il pronon- ça 0 V. 11 dit que le piemier né d'Adam aïans pleuré en naifFant , il fit entendre èf fi} comme le lecond enfant , qui avoit , dit l'Auteur , la vojx plus grêle , en criant prononça i t i l G eft par de fcmbîables rai Tons qu'il p;étc«d prouver que la Langue Grecque cd aufli naturelle que certatn» chants à une certaine efpece d'oxfeaux. Il tombe ainfi dans l'opinion de ces Philofophes dont nous nous femmes moqués. Rien de plus ridicule ni de plus faux qu un fcmblable fcntimenc. Les Grecs mêmes, comme Hérodote, ne font pRS difficulté de croire que leur Langue vient.d'une Langue plu» aocicnne.
Reprenons la fuite confiante de l'hidoire de» langues. L'Hébreu ^ ou la Langue des anciens Patriarches, fut celle de toute la terre. Avant que les enfans de Noé euflcnt entrepris de bâtir 1;» Tour de Babel y il n'y avoit qu'une Icule Langue. Le dcflcin de ceux qui voururenc élever cette Touf%, ëtoit de fe défendre contre Dieu même, s'il vou- loir encore punir le moB<le par un déluge , qu'ils efpéroicnt ne leur pouvoir plus nuire loEfqu^iis au- lûient achevé cet ouvrage. Dieu, vo'iant cere en- treprife téméraire^ mit une telle confufîon dan& leur Langue & dans leurs paroles , qu'il leur éroit xmpoffible de comprendre ce qu'ils s'cntrcdifoienc les uns aux antres, C'cft ce qui les^^ontraignit rfe lai/Ter imparfait cet ouvrage de leur vanité , & de fe Ceparer en divers païs.
L'opinion la plus commune touchant cette con- fufîon ^ eft que Dien ne confondit pas teUcmem le
lâjigage de ces hommes > qu'il .Ht autant de dtflé* rentes Langues qu'ils étoienc d'hommes. L'on crois fcuîemenc quapiis cette confu(îon chaque famil* le fe fervic d*uoe Langue particulière : ce qui fie <]uo les faillites s'étant rcparëes-, les liommeS fu- rent diftiogu^s aufTi-bkn par la diiF^rencc de leur, langage, que parcelle des lieux cd ils fc retirè- rent. Il fe pouvoir faire que cette confufion ne ConfîAâc pas en de nouveaux mots , mais dans le changemetft ou tranff ofition ^ dans Kaddition o<& tetranchement de quelques lettres , de celles qu)f comporoient les termes oui étoient en ur;i(!e avant 4ette confufion. Ce qui te fait croire ^ c*e(l qu'on lire facilement de la Langue Hébraïque , qui a été celle d*Adam., & qui s'e4ib totijoan confervée, l'o- rigine des anciens noms des Villes y des Provinces^ Ac it% peuples- qui les one premièrement habitées ^ oomme plufieurs favans hommes lont très bien, prouva , mais paniculieremenc Samuel- Bochar<fc dans fa G^graphic (àcrée.
Il y a des Auteurs qui prétendent que ce qtw> Mo'jTc dit de la confufion. des V^ogties de ceux oui WâtifToient la Tour de Ôabcl , fc petit entendre, d'une méfinteliîgcncc qui Te mit eotr'eux. Leur rai (on , c'cfl; que les Orientaux après la dtfpep- ûotx fc font fervis dp diverfcs Dialedcs plutôc ijue de diveifes Langues: que Gans une-cocfufioU miracuîeufe de Langues , l'éloigncment des peu-» pJes , rétaWifiêment des "Empires & des Républi- ques, la divcrfitc des LoJt- & des coutumes •, le. commerce des Nations dé^a féparées purent cau- ser du changement dans le langage : qite la Grè- ce, par exemple^ a été habitée psr les Phénicienc- & les Egyptiens, de la Langue defqjLiels le Grec, sCeft formé : qtie la Langue des Perfes , des Scy- thes , & celle des Peuples feptentrionnaux , ont keaacoiip de rappoît les oats avec les. antres, ^
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fo La Rhïtorique, ou l'Art tirent , toutes, leur origine de l'Hcbrcu. C cft ce que le Perc Thomaflîn prouve dans Ton GlofTaire.
Ainiî ce n*e(l point le hazard ^ui a appris aux hommes à parler ; c'ed Dieu qui leur a donné leur premier langage 5 c*eft de- la Langue qu'il donna a Adam , que toutes les Langues font venues, celle- là aïant éré , pour ainiî dire , divifée & mulci' pliée. De quelque manière que cela fe foit.fait ,ia jconfufîon que Dieu mit dans les paroles de ceux qui vouloicnt élever la Tour de Babel , n*eft pas la feule caufe de cette grande diverfîté & mulri- plicité des Langues. Celles qui font en ufage au- jourd'hui par toute la terre, font en bien ptus grand nombre que n étoient les Familles des enfans de Noé , lorfqu elles fe féparerent , & bien diffé- rentes de leur langage. Il fe fait dans les Langues ,' suffi bien que dans toutes les autres chofes , des changemens infcndblés , qui fout qu'après quelque temps elles paroiffent tout autres qu'elles n'étoicnt dans leur commencement. Nous ne doutons pas que le François que nous parlons maintcnaiit né vienne de celui qui étoit enu{agcil y a cinq cens ans , cependant à peine pouvons-nous entendre le Prançois qui fe parloît il y a deux cens ans. 11 ne faut pas s'imaginer que ces changemens n'arri- yent que dans notre Langue. Quîntilien dit que la Langue Romaine de fon temps étoit fi différent* de celle des premiers Romains , que les Prêtres n'entcndoîcnt prefque plus les Hymnes que les pre- miers Prêtres de Rome avoient compofées pour être chantées devant les Idoles de leurs Dieux. Pla- ton dans le Cratyle dit la même cliofe de Tancien Grec •, que vu les grands changemens qui s'y étoient faits , il ne falloit pas s'étonner qu'il diffé- ,rât autant du nouveau , que celui-ci du Barbare. OtfcTi» Swu^f «y h un d 9 mcXtfièe ^tnti «i^iW riv wvi fiât^ ^x^fenS^f» ^«fip«, Platon appelle JS^barclc langage
BïPARtïR. Ziv. L Chav, XV. 8i Sk^ Pepples qui n t>nt ;iucune politeHe , qui ne cul- tivent ni les arts , ni les fcicnccs.
La différence du langage , ou la férocicé des prc- xniers hommes qui écoienc corrompus ^ comme FEcriturc le déclare , fît que peu de temps après la confufîjon de la Tour de Babel > ils fe fé- parercnt > ne pouvant vivre les uns avec les autres. Chacun fe retira dans les lieux qui n*étoicnt poinc encore habités ^ où il pouvoit vi^Trc avec fes fem- mcs & fes enfans ,* & régner fcul. C'eft le grand- nombre d'idées , la divcrfité des affaires , le trafic , les arts, les fcienccs , qui ont fait trouver ce nom- bre prodigieux de mots dont une Langue a befoin , & cette grande régularité dans la confhudlion des* paroles», afin quelles (oient capables dun ftyle clair, fans équivoques. Mais qui étoicnt-ils ces premiers hommes qui allèrent habiter les différcns climats de la terre ? des chafTeurs qui n'avoienc aucune occupation , ni entretien ; ni commerce qui demandlt de' la fécondité dans les termes , &: ae la régularité dans larrancrement* Ils n'avoienr befoin que d'un jargon, qui fe multiplia & fe di vér- ifia prodigicufcment 5 car comme il ne confiftoir que dans un petit nombre de termes, il fe pou- voir changer facilement.
La différence du tempérament & xîes climats faîr cju'bn ne prononce pas dfe la même manière. Ainft ceux mêmes qui avoient dsns Je commrncemenr le même langage avant leur féparation , purent dans la fuite prononcer fî différemment les mê- mes mots , qo*ils ne parurent plus les mêmes» ' Ajoutons que naiànc eu qu'un tr^s petit nom- bre <le termes , quand ils le féparerent y lorfqu il cfi fallut trouver de nouveaux pour marquer les cho fes dont ils comracnçoient de fe^fervir, ils ne potTvoient pas inventer les^ mêmes , étant éloignés es uas des autres^ & ne fc connoii&nt plus.. C'éfl
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8« La llHET<yRi<înE, ou t'ARr
ainfi qu*ii y eue fur la terre autant de difiërcoteA Langues qac àc contrées. Cela devoit arriver c|uand il c'y auroic point eu de confufion miraca- Icufe des Langues parmi les entrepreneurs de la Tour de Babel , & que tous les hommes dans le temps qu'ils fc diipeiferent fe fa^Tcot entendus* Ils ont pu dans la fuite changer (i fort leur pre- mier lajigd^e ,' qu'il s'en foit formé de nouvelles Langues. L'incoivftaace des hommes en eft une des principales caufes. L'aqiK^ur qu'ils ont pour la nouveauté leur Hiit établir de nouveaux mocs à la place de ceux qu^ils- rebutent , & d'autres manie- xes de prononcer , qui font dans la fuite des aiw nées un latvgage tout nouveau.
Chaque, peuple a fes. manières de prononcer y félon la qualité du climat. Ceux du Nord fonc portés à fe fervir de mots compo fés de confonnes fortes, qui fe prononcent du fond du gofier. Les Saxons changent lesconlbnues, que les Grammai- riens appellent tenues , dans les mdïennes , • 8c celles-ci* en afpiréesj ainfi au lieu de bibimus , il» prononcent pipimus ; pour bonum , ils difent po^ num, pour vlnuffiy finum. Il y a (Ls Nations en- tières qui ne peuvent prononcer de certaines let- > très , comme les Ephraïmites ne pou voient pro- noncer le ycAi/z des Ucbreuz, 8c ^ux fchibBoùtà y. Jifoient fibbolctk Les Gafcons & les £fpagnols n aiment point la le.ttrc F, Ceux-ci di(cnt harin^ pour farina , habulare pour fabulare : les Gaf- 'cons difent hille pour fille. C'cft ce qui fait que clnique Nation dégui(è tcUensent les mots qu*elle emprunte d'une Langue étrangère , qu'on ne les connoîc plus.
Audi ceux qu4 recherchent Tétymologic ou Tp^ TÎgine des nouvelles Langues , pou<r faire, comprend- dre comment elles viennent des anciennes , ont fotiv de rapporter queik^ enr éié les diffère aces manio-
iftl p Ai KL IL IL. Lh. / C^ap. Xf^. t^ 9ts de prononcer en diiFérens temps j & comment par ces diifêrenrcs manières , les mots onc ccé changés dt cfelle forte , qu'ils palroi/Icnt roue au* très qu'ils n'écoicnt dans leur première origine. Par exemple, il ny a pas grande conformité encre écrire , St le mot Ln^iafcriBere , d-oti il vient } en- tre, établir, 8c ftahilire : voici la caufc de cctrc dif- férence. Nos François avoicnt coutume , en- pro^ mxiçant cette lettre 5, de faire (bnner devant elle ' tm £ f comme on le fait encore au delà de la Loi- re. Ainfi au lieu de fcribtre , ils prononçoient ef" €ribcre i eftabiUri , pour flahiUre, L on a pris \% coutume eafiiice de ne point prononcer la lettre «S, après E , au commencement des mots : c*e{b pour- voi on a dit ecrihcrt ^ eiabUire ^ & enfin en abre« géant ces mors > font vernis ces mots Fcançois / écrire , établir. Les change menS qui Te font f»it# dt cette manière dans la prononciation , ont teUe^ mept àipx\£é les mots Latins « qui! s'en eft fàic ittie nouvelle Langue. Il en eft de tontes les ias*^ goes comme de la Françoife. Notre Langue , F &(^ pogook j & ritalienae f iennent dn Latin. Le Lar-^ tin vient du Grec. Le Grec vient en partie dé" i^Hebreu , comme le Chaldaïque & le Syriaqwr* L'on s'étonne d'aibord quand on fait venir d'un^ Langue plus ancienne quelk|t!e mot d'une nouvelle' tangue : Par exempte , un mot Latin d'un mot Hébreu 5 fi leur différence cft confidérable. Cet étnnnement vient dn ce que Ton ne prend pas gar-^ ife que ce mot Latin avant que dTavoIr la former <ju*it a , a paiïS par plufieurs païS , & qu'il a ét^ prononcé ci^ dîmfcme» maniefes qui l'ont dl*^ %aré.
Les peuples ont des inclinations parirîculîere* pooT de certaines tertres , pour de certaines ter-^ flikiaifrons-, foit par caprice ou par raifon, trou-- ymski q^ U' gronoweiotion de ces lettres & de ce»
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S4 La Rhetokiquz; ou l'Ari* tcrminaifons eft plus facile y & qu'elle s*accom^ . mode mieux avec leurs dirpofirions naturelles. Cela fe remarque particulièrement dans la Langue Giecque^ & ceft ce qui a introduit dans TuUge commun de cette Langue ces particularités qu'on tiovamt DiaU fies. LesAttiqueSj par exemple , au lieu de r mettent |7 , pi y r«v. Ils ajoutent cette fyllabe £v , à la fin de beaucoup de mots : ils joi-> gnent Couvent i , à la fin des adverbes : ils abregenc les mots , au contraire, les Ioniens les allongent. Les Dores\ou Dorlens font dominer !'« prefque par • tout. Les Eollens mettent un fi avant ç > de deux ^cfit , ils en font deux srr ; ils chan|7ent le é en ç. Il en eft de même de la Langue Chaldai- que , au regard de la Langue Hébraïque. Les Italiens » les f rançois , & les Efpagnols. ^ ont leurs lettres & leurs tcrminaifons particulières ^ comme on le peut voir dans les Grammaires , Se dans les Didiodnaires de ces Langues. Ces par«- ticulariiés , comme il e(l manifelle ., changent beaucoup les Langues, & mettent de g.ai>des dif- féfçnces entr'clles 5 de forte que bien qu elles viienocnt d'une même mère , s'il m'cft permis de parler ain(i , elles ne paroi (Tent point fœurs. Les Langues Françoise , Efpagaole , & Italienae fem- blcnt écre forcies de Langues toutes différentes.
Si chaque canton de la terre a eu dans fou com* ineacemcnt un Langage particulier , comment , me dirat-on, ces Langues générales, étendues, & qu'on a nommées des Langues mères* fe feroient^ elles pu former ? Cela eft arrivé lorfqu*un hom- me qui avoit plus d'efprit & de force de corps ^ foit par fon (avoir faire , foit par la force de fcs armes , a ra^e :iblé plufîeurs peuples quil a obli^ gés de.. vivre fous les mêmes Loix. C'a été une né- cefUté qu'ils convinlfcnt d'un Langage. Les vain- cus priicnc celui des viâorieaz , a qui ils voalik*-
Bt PARIS R, Lh. L Chap. XV. If lient Taire leur cour , & donr ils recherchèrent les faveurs. Ak>rs, vivant enfeinble , s'entr'aidant » bâtiHaar des ntaifens , exerçant les arcs y tra&* ^uant y la néceflicé , le plaiiîr , l'utilité , les orne*. mens , les affaires , les jeux > les conyerfatious , firent qu'il leur écoit nécelTaire d'avoir plufieart termes pour s'expliquer. Soit par liazard > foie par choix, ils fe fervirent des termes les plus pro- pres pour s'exprimer fans éqnWoques £c avec agré* ment. Or quand un terme e(l une fois reçu & auto- lifé j il devient propre : Tufage en eft plus facile. Ce qui eft aifé plaU : oq agit félon les habitudes, iiinh dans un Etat il s'eft établi une forte de Lan- gage qu'on a parlé plus volontiers.
La terre aïant été comme partagée en diffé* lens Etats & Empires, il s*eft fait différentes Lan- gues. Il n*étoit plps pofTible que des peuples éloi- gnés , (bus différentes dominations , fous diftércns climats , inventaient les mêmes termes ; fe for^ maffent un^ lacme Langage. Chaque peuple seft fervi des mêmes mots qu'il a trouvés établis , qu'il a allouas , abrégés , changés , pour fignifier des chofes a- peu -près femblables , félon qu'il s'eft plu à certains fons , à certaines lettres j ce qui* eft remarquable en toutes les Langues , le feul Ion oa la feule rerminaifon d'un root faifant juger de quelle Langue il peut être. C'eft toujours félon une cer- taine analogie ou proportion que les hommes for* ment leur Langage. 0|} fait plus volonders ce qu'on a coutume de faire ^ o& le fai|pplus aifément , Se enfuite prcfquc néccffairement. Dc-là vient que chaque Langue a fes mots d'un certain fun , fcs ter- mes particuliers , un certain tour. . L'établiffement des Empires- a été fuivi , com- mt nous venons de le dire , ' de rétabliffement des Langues mères. Les changemens qui font arrivés imx Beats en ont auffi caufé dans le Langage» Cax
dans cesi changetnens plufieurs peuples. fc lient cif^ Cbmble , d*oii l'on voit naître un Lanj;agc bizalrc. Aind notre François ne vient pas feulement du La- hn , il ed: compofc de plu(ieufs mots uficés suit anciens Gtulois , . avec lefquels les Romains fe mêlèrent dans les Gaules. La Langue Angloife a plufieurs mots "François i ce qui VKnt de ce cjue les Anglois ont lonqç-temps demeuré dans la France ^ dont ils pofTédoient une partie très confid^rablc. Les Efpngnols ont plufieurs mots- Arabes , fournis qu*ils ont été pendant plufieurs fieclcs aux Mo- les qui parlent Arabe. Les termes des Arts vien-^ nent pour Tordinaire des lieux ou ils ont été cul-* rivés. Ainfi les Grecs aïant travaillé avec plus de foin à perfedionner les fciences , les termes des beaux Arts viennent prefque tous du Grec. L'art de «aviger a été fort cultive dans le Nord; plufieurs de nos termes de Marine en vierncnt.
La Langue Latine s*cft corrompue , & de fa dé^ cadence font venues les Langues Italienne , Efpa- gnole , & Françoise : ce qui s'eCV fait de cette ma* . siere. Les Romains perdirent l-Empire par leur moltjflè. En dégénérant de la valeur de leurs pères , ils corrompirent leur Langage avec leurs mœurs. Outre cela les Barbares t'ctaot rendus maltrrs (fc l'Italie , de l'Efpagne Se des Ganks , ilï (è fie ont mélange de mots barbares avec le Latin qu'on* parioit dans tout l'Empire. Les pettple» (^vinrent groiïîcrs & ignorans : ils nc*pcnfeest plus à par- hv correâ:emt^t. lH' Langue Latine né (e peut bieir parler fs^ns une attention p articulkpe , à caufe de fOHS fcs différens genres & différentes déciîfiat>- fons. Nouf voïons que dfeins notre Langue qui eft 6 facile , le petit peuple »e peut s^aifejcttit aux rè- gles 5 il dira plus fouvent j'alËons ; je fîmes , qnc nous allions y nous fîmes: ainfi la Langue Latine m> devînt plus qu'trn jargon 5 o» pm les mamcfcir
151 TARIE B. Ziv. /.•CAtfp. JPPT ^ f^ && Bârbaies qui n a voient peine de d^ciinaifonsw Lorfquc les Iralicns , les Efpagnols , les François- commencèrent à fe iclcver, & qu*ils furent maî- tres chez eux , ils travaillèrent à df^grofllr ce jargon cjui s'éioit introduit après h décadence de TEmpire & de la Latinité. Chacun commença à fc faire de» règles & à s*/ afTujettir. Ce qui a fait les trois Lan- gues , Italienne , Efpagnolc & Françoife,
Les Colonies ont fore multiplié les Langues.^ On voit que les Tyriens y qui trafiquoîent autrefois- par toure la terre , avoicnt porté leur Langage de tous côtés. On parloît à Carthage , Colonie dc^ Tyriens , là Langue Phénicienne , qui eft une dia- ledc de l'Hcbreu, On le peut démontrer par pin- ceurs argumens , mais particulièrement par le» ' Vers écrits en Langage Punique ou Carthaginois y qui fe lifent dans Plautc. Oc ces Colonies mul- tiplient une Langue, comme nous venons de le di- re , de d'une elles en- font plusieurs. Car outre quer ceux qui vont en ces Colonies ne favcnt pas aflèï cxaâement la Langue de leur païs pour la con- ferver fans la corrompre , cette Langue , recevant dans deux diflPérens païs o\\ on la parle des cKan* gemens diifércns , elle fe divife & fe mulripUc né- ceiTairemeiit. Il n*efl: pas ^iïicile de trouver la' véritable origine des Langues , pourvu que Von connoidè un peu Tantiquité : mais mon deflttn ne Ac permet pas de ra'àrrcter .plus long- temps fur cette matière. De ce que nous avons dit , il fuît clairement que Tufage change le»; Langues , qu il les fait ce qu'elles font, & qu'il exerce fur elles un foUverain empire, comme nous le ferons voir plu? «npiemcnt dans le Chapitre fuâvasic .
If* t A HhetoHique, ou t'An-f -
Chapitre XVI.
Vufagc cjl If maître des Langues. Elles s'apprennent par rufage,
X I- ne s'agit pas Àc faire une nouvelle Langnc , mais d*emeadre celles donc on fe fert , & de les parler purement. Nous avons vu qu*origincllc-
^ ment les hommes font maîtres du Langage ^ c]ail dépenduit d'eux de choiiîr comme il leur plailbic des fons pour figncs'dc leurs penfccs > mais que c*eft de la première Langue que Dieu forma lui-
* lucme , que coures les Langues font venues. Je ne peux donc m'empêcherde combattre ici Tiraperci- nence d'Epicurc , quoique je Taie déjà fait. Il prétendoit que les hommes écoicnt nés de la terre comme des champignons , & que les mots dont ils* (c font fcrvis éroient naturels , & qu il ne dépcn- doit pas de leur liberté d'en choifir. Voici com- ment le Langage fe forma , félon ce mauvais Phik>- £ophe. Comme les animaux , à la préfencc de quel- que objet extraordinaire , font de certains cris , de même les hommes aïant écé frappés par les ima- ges des chofes qui fe préfcntcrcnt a eux , Tair oui écoit renfermé dans leurs poumons fut détermine à û>rtir d'une certaine manière , & forma une voit qui détint le nom de ces chofes.
Il eflxrès certain qu'il y a des voix nacurellcs ^ Se que dans les paflions Tair ^rt des puumons dune manière particulière , & forme-ks foupirs , & pla- ceurs exclamations , qui font des voix véritable'^ ment naturelles. Mais il V a bien de la diffîrence encre ce Langage qui neft pas libre j & celui dont nous ufons pour exprimer nos idées. Il y a plu- fiçurs raifons qui prouvent que les mots ne ioot
î>i FÀRtiR. Liv. I, Ckap, XVL f # ^oînt naturels. Premieremetit ils ne font pas les mêmes en toutes les Langues , ce qui dcvroit être €\ la nature avoît trouvé elle-mcme les mots dont BOUS nous {cryons. Car les Turcs qui ne parlent pas François n ne foupirenc pas dune autre nianîc- rc que les François. Toutes ^€S brutes <f une mê- me cfpece font Je même c^i j & communément nous ne voïons rien faire à un homme qui foit différent de ce que nous faifons , que dans ce qui dépend de fa lioerté. La nature agit de la même • manière en tous les hommes : les peuples partant donc différentes Langues , c cft unc^marque affû- tée que le Langage n*eft pas Touvragc de leur nature -, mais de leur liberté. L'expérience le mon- tte. Tous ks jours on fart des mots nouveaux ; on en tire à la vérité quelques-uns des autres Lan<» (tues ; mais auffi on en invente qUi n*0Dt iamais
Ce n*e{l donc point la nature que nous devonè confulter pour apprendre d'elle quels ternies on doit emploïer. L'ufage eft le maître & l'ajfbîtrc fouvcrain des Langues , perfonne ne lui peut contcffc ter cet empire. Or cet ufagc ncfl rien autre chôic que ce que les hommes , ufant de leur liberté , ont coutume de faire. Un particulier s'avifc de propofer un certain terme , fi plirftcurs veulent bien prendre la coutume de s'en fervir , c'en eft fait , ce n eft plus un fon confus qui ne fîgnifîc rien, mais un vérita- ble mot qui a une idée qui fe lie avec lui pat la coutume que l'on a de penfer à la chofe qu'il fignt- fie , jn même temps qu'on le prononce & qu'on ^ l'eutOTÎ prononcer.
La raifon & la néccfïîté nous obligent de fuivrc l'ufage -, car il eft de la nature du (igné d'être con- nu parmi ceux qui s'en fervent. Les mots n'étant donc des fignes de nos idées , que parcequ ils ont iii liés par i'ufs^e à certaines chofcs » on ne dotf
lia t k RttBToRi<îur,ôui'ARf les emploi; r que pour %nifier celles donc on ctt CQnvenu qu'ils fcroient les (îgnes. On pouvoic ap- pclier Chien cet animal que nous appelions Che-^ val ; & celui que nous appelions Chiens un CAe-' val; mais l'idée du premier écanc attachée à ce snoc Cheval , & celle du fécond à cet autre mot Chien , on ne peut les confondre & les prendre Tua pour l'autre', fans mettre une entière confuitoa dans le commerce des homoi^s , femblable à celle qui s'éleva parmi ceux qui voulurent bârjr la Tour de Babel. .Ou méprife k bizarrerie de ccwl qui ne fuivent pas les modes- qu'une longue cou- tume autorife > c^eft une bizarrerie bien plus gran« de & qui ticnjt de la £o!re , de s'écartef des manières ordinaires ai parler. Se fervir de termes incoti-» DUS , c'ed envelopper de ténèbres ce qu'on veut el« plîquer.
Il arrive dans le Langage la mfme chofe quo 4ans les habits ; il y en a- qui pouffent les mode^ jufques à lexcès ; d autrea prennent plaiiîr à s'bp- pofcr au torrent de La coutume. Il y a des pcrfon- /les qui afïcâent de ne fe (ervit que èts trrmrs Sir des expreCions qui font reçues depuis fort peu de temps. Les autres déterrent le Langage de- leur.* bifayeuls, 2( parlent avec nous comme s'ils con- •verfoicnt avec ceux qui vivoicnt; il y a deux cent 9ns. Les uns & les autres- pèchent contre le bon fens. Lorsque Tufage ne fournit point de termes propres pour exprimer ce que nous voulons dire , on a droit de rappeîler ceux q«e Tufagc a rebutés xnal- à propos. Un homme cft excufable ouand" pour fc faire eiucndrc il fait un nonvcaa^bt ;. pour lors on doit blâmer la pauvreté de la Langue » & louer la fécondité de Felprit de celui qui l'a en- jicfaie. Datur venia verborum ttovkaUy ob/curi-* tati rerum fervienti. Pourvu tovnefois que ms Mav€au mot foie habUlé à la. moàc ^ ac q^iû vm
*B FARLiK. Lh. I, Chap, XVL ^t • paroi (Te point étranger*, c*eft-à*dire , qu'il ait un* foa qui ne foit pas eneiereroeac différent de celui des mocsuGtés> quen te faiCant venir, parexem* pic « du Latin , on le change félon l'analogie , c*e(l-à>djre , en la manière qu'on change les mot» Latins qui ont une terminaifon femblabie, comme de alac€r ^ on fait alaigrt ; de macer , on fait maigre^ Au lieu que les noms en er , qui n'ont pas c devant er ^ comme len^r, AUmandcr^ fe changent autre- metKcnous difons tendre ^ Alexandre*
Les Langues s'apprennent par l'ufage , fans ëcude & fans art. Le fils d'un anifan , d'un laboureur, parle le Langa^re de Ton père , il fe fcrt des même» mots, des mêmes manières de parler , & il les*
Frononce av^c le même ton , (ans que fon père en inftruife j' il apprend à parler comme lui , fans* prefque aucun defîein d'apprendre , fans écouter aucune leçon , eu l'entendant parler feulement. La^ nature cft une excellente maîtrcffc , qui inftruîr efficacement. Les organes de nos fens fonr prefque tous liés les uns avec les autres. Lorfque les orcil-^ les font remuées par un certain mouvcmeiït , la Langue cft déterminée à un mouvement propor-*' tienne à celui qui fe fait dan^ les oreilles. De- V^ vient qu'entendant chanter ou prononcer quelque parole , nous fentons dans les organes de la vois" iiDC difpofition à chanter le même aîr, à pronon-^ cer la même parole. L'homme cft porté par la na» tuie à imiter tout ce qu'il voit faire. Si non» voyions ce qui fe pafTe dans le mouvemenr de» nerfs, ou petits filets qui viennent du cerveau ,' nous verrions fans doute cette admirable liai fon & communication des organes. Nous y remarque* rions que